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© Universcience, CNRS, IRD, Inrae - 2021
Numéro de notice
7365
Amazonie : Le poumon suffoque
Titre Série
Dans les coulisses du climatDécouvrez les études derrière les chiffres du 6ème rapport du GIEC et les travaux de recherches de scientifiques qui contribuent à comprendre l'évolution du climat ainsi que son impact.
Ce sixième épisode permet de retracer l'évolution actuelle du climat de l'Amazonie grâce à la mobilisation des habitants sur place et à l'analyse d'images satellite. Le constat est sans appel : plus de sécheresse au sud, plus d'humidité au nord. Avec des conséquences en cascade sur le climat mondial…
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Transcription
DANS LES COULISSES DU CLIMAT
Amazonie : Le poumon suffoque
Commentaire voix off
Serpentant à travers 6 millions de km² de forêt tropicale, l'Amazone est un colosse de la nature avec un débit qui équivaut à 600 fois celui de la Seine. Prenant sa source dans la Cordillère des Andes, l'Amazone traverse le Pérou, la Colombie, le Brésil, l'Équateur et la Bolivie.
Il est au coeur d'un système hydrologique qui joue un rôle majeur dans l'équilibre du climat sud-américain et bien au-delà. Le fleuve représente à lui seul 20 % des eaux continentales déversées dans les océans, et charrie des sédiments indispensables à la biodiversité marine.
Dans une région déjà affectée par le changement climatique, ce fleuve est un objet d'étude scientifique aux dimensions hors normes. Comment mesurer son état de santé ? Et quel impact a-t-il sur le climat mondial ?
Embarquement immédiat à la rencontre d'un géant en plein bouleversement.
(Générique)
Commentaire voix off
Pour retracer l'évolution de l'Amazone au fil du temps, la science a besoin de données de terrain.
Mais impossible d'instrumenter durablement 6 500 km de fleuve alors que par endroit, la hausse du niveau de l'eau peut dépasser les 15 mètres.
Il a donc fallu impliquer les populations amazoniennes dans un projet de science participative. Depuis 20 ans, les chercheurs de l'observatoire IPAM ont ainsi mis en place un réseau d'acteurs locaux qui collectent des données sur l'environnement amazonien.
L'hydrologue Jean-Michel Martinez de l'IRD se rend plusieurs fois par an en Amérique du Sud pour effectuer des prélèvements sur l'une des 13 stations qui compose ce réseau.
Certaines d'entre elles sont espacées de plus de 1 000 km.
ITW Jean-Michel Martinez
La qualité des eaux est vraiment un paramètre en fait très important parce que il recouvre énormément de variables qui vont nous renseigner sur de nombreux paramètres de l'environnement liés à la végétation, liés à l'érosion des sols, liés au climat aussi de manière indirecte.
Et donc regarder la qualité, en fait c'est regarder tout un univers de problématiques liées aussi à l'écologie et qui nous permettent aussi de comprendre comment l'Amazone va impacter son environnement bien au-delà du bassin versant lui-même.
Commentaire voix off
C'est au laboratoire des Géosciences de l'Environnement de Toulouse que certains de ces échantillons d'eau sont envoyés pour des analyses chimiques.
Les scientifiques disposent ici d'outils pour dresser une véritable carte d'identité du fleuve et pour reconstituer son histoire grâce aux traces laissées par certains sédiments.
Le couvert végétal, les débits, la nature des minéraux charriés, autant d'informations livrées par la chimie et que les chercheurs complètent avec des données satellitaires.
Ils peuvent ainsi concevoir des cartes qui illustrent les processus à l'oeuvre dans l'ensemble du bassin amazonien.
ITW
Ce qu'on mesure actuellement, c'est vraiment la modification des processus hydrologiques, donc le débit des fleuves. On voit des altérations. Donc, ça c'est la première phase des impacts du changement climatique. Elle est enclenchée, on l'observe.
La deuxième phase, qui va être justement la dégradation de tous les processus liés au cycle de l'eau, notamment l'érosion des sols, le transport des éléments chimiques du carbone. C'est ce va se passer maintenant et qu'il faut suivre de manière la plus attentive possible parce que c'est là que les impacts vont être le plus fort, non seulement pour l'Amazone et ses habitants, mais aussi pour le reste du monde.
Commentaire voix off
Ces bouleversements du cycle de l'eau en Amazonie sont au coeur des recherches menées par Jhan Carlo Espinoza, hydro-climatologue à l'Institut des géosciences de Grenoble.
En utilisant les données du réseau IPAM, il a mis en évidence une fréquence accrue des épisodes climatiques extrêmes.
ITW Jhan Carlo Espinoza
Alors ici, on observe la variation des niveaux d'eau de l'Amazone à Manaus au Brésil qui est disponible depuis 1903. C'est la série la plus longue de laquelle on dispose. Et on peut observer dans ces dernières années une intensification des inondations extrêmes qu'on observe ici par les points bleus.
En effet, pendant la première moitié du 20e siècle, on observait environ une inondation extrême tous les 20 ans. Mais aujourd'hui, depuis le début des années 2000, on observe une inondation extrême tous les 4 ans.
Par contre, les sécheresses extrêmes aussi se sont intensifiées. Par exemple, En 2005-2010, on a constaté des sécheresses très intenses en Amazonie.
Commentaire voix off
Si le Nord de l'Amazonie fait face à des crues record, le Sud affronte en revanche des périodes de sécheresses plus intenses et plus longues qu'au paravant.
Une modification régionale qui pourrait entraîner une transformation de la forêt tropicale en un paysage de savane.
Ce phénomène de savanisation a déjà impacté le régime des pluies à l'échelle locale et pourrait demain modifier la circulation atmosphérique mondiale.
En 2005 et en 2010, sous l'effet d'une sécheresse extrême, l'Amazonie a d'ailleurs émis plus de CO2 qu'elle n'en a capté.
Une évolution encore accélérée par les incendies et la déforestation massive.
ITW Jhan Carlo Espinoza
Aujourd'hui la déforestation en Amazonie arrive à 20 %. Et nos résultats montrent qu'en arrivant à 40 % de la surface de l'Amazonie déforestée, le système climatique peut s'effondrer. Donc avoir une saison sèche de plus en plus longue
permettrait en même temps la perte de la forêt et donc plus de CO² dans l'atmosphère.
Commentaire voix off
Le bassin amazonien stocke aujourd'hui 450 milliards de tonnes de CO2 dans ses arbres et ses sols.
S'il a longtemps été qualifié de poumon vert de la planète, il est désormais considéré comme une possible future source de carbone.
De quoi inciter les 9 pays qui se partagent ce trésor à adopter des politiques de préservation coordonnées et mobiliser le monde entier en faveur de cet arbitre du futur climat mondial.