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© CNRS Images - 2016
Numéro de notice
6980
Registre du 11ème
Comment étudier l'impact des attentats du 13 novembre 2015 sur la société française ? Pour répondre à cette question, l'historienne Hélène Frouard s'est intéressée à un type de document rarement étudié, les registres de condoléances. Son analyse a porté sur les quatre cahiers ouverts à la mairie du 11e arrondissement de Paris de novembre 2015 à mars 2016. Dans quelles conditions ces registres ont-ils été ouverts ? Comment et par qui ont-ils été utilisés ? Que révèle l'analyse textuelle de leur contenu ? Ce travail de recherche, réalisé dans le cadre de l'appel à projet « attentats-recherche » lancé par le CNRS, conclut à la richesse de cette documentation.
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Transcription
Paris, Mairie du 11ieme arrondissement
UPSOT - Messages lus
‘Laissons notre coeur ouvert à l'amour (toujours?)
pour repousser la barbarie'
‘Nous sommes de tout coeur avec les familles (éplorées?)'
‘Ce sont nos enfants qui ont été visés'
‘La paix pour la france, plus jamais cette horreur !
Vive Paris, la France …. Et ses valeurs'
Bruit des pages qui se tournent
LIVE SOT Hélène Frouard (lisant un message)
“La tactique des islamistes, après les militaires les policiers les journalistes, les dessinateurs, les juifs, c'est maintenant aux serveurs des cafés, aux terasses
et aux jeunes qui écoutent de la musique qu'ils s'en prennent, aux terrasses des cafés à Paris? Bah les gars, vous allez avoir du boulot, garçon remettez nous ça!”
COM
Au lendemain des attentats du 13 novembre,
nombreux sont ceux qui ont voulu écrire un mot
dans ces
registres de condoléances
mis à la disposition des passants pendant plusieurs mois
sur le parvis de la mairie du 11 arrondissement de Paris.
Des messages de compassion, de soutien ou encore de colère
auxquels s'intéresse cette historienne
dans le cadre du projet ‘Attentat-Recherche'
porté par le Centre National de la Recherche Scientifique.
SOT Hélène Frouard
‘On a des messages de provenance très diverses, le 18 novembre, nous avons un message d'une petite fille : ‘c'est trop horrible, je ne veux pas que ça recommence,
on a aussi des messages de musulmans qui s'affirment musulmans et qui écrivent en solidarité, par exemple celui là, je suis musulman pratiquant mais je déteste les criminels qui au nom de ma religion me trahissent.'
COM
Une page arrachée, quelques traces de bougies ...
Tous les détails ont été minutieusement compilés
pour comprendre la signification de ces témoignages,
parfois écrits en anglais, chinois ou encore népalais.
SOT Hélène Frouard
‘L'idée c'est qu'en lisant les messages, on pouvait voir comment les gens avait réagi et comment ils se positionnent. Ca va donner lieu une analyse statistique
qui est la seule capable vraiment de faire ressortir le contenu et de le corréler avec d'autres données. Par exemple, l'âge des personnes, est-ce que ce sont des habitants du 11e, est-ce que ce sont des femmes ou des hommes etc.'
COM
Une mine d'information pour cette historienne ….
Pendant plusieurs mois,
l'ensemble des messages,
1 325 au total - dont l'anonymat a été préservé.
ont été photographiés - page après page
puis retranscrits dans leur intégralité
au sein d'une base de données
SOT Hélène Frouard
‘J'avais deux hypothèses, d'une part c'est qu'en étudiant le contenu des messages // on pouvait voir la façon dont les gens avaient réagit, on pouvait aussi contribuer
à une étude de l'impact des attentats. //
J'ai codé en partie ces messages, car d'une part, il y a le texte et d'autre part imaginant que c'est signé d'un prénom féminin j'ai codé que c'était signé par
une femme, donc voilà j'ai mis le plus d'éléments que je pouvais à la fois le contenu de ce qui est dit, mais aussi la façon dont c'est dit, est-ce que y a beaucoup de ratures, est-ce que la personne a l'air d'être revenue dessus ? etc ….'
COM
La chercheuse, qui a mené tout une série d'entretiens
auprès des employés et élus de la mairie
s'est aussi intéressée
aux
registres en tant qu'objet
et à ce qu'ils représentent ….
LIVE H. Frouard + Elu S. Martinet
COM
Le premier n'est d'ailleurs pas un
registre classique
Mais tout simplement un cahier d'écolier dépêché dans l'urgence
par cet élu, au lendemain des attentats.
SOT
Stéphane Martinet, élu de la mairie du XIe
‘À 9h du matin je sors sur le parvis de la mairie et je rencontre une dame qui me dit ‘bonjour monsieur est ce qu'un
registre a été ouvert' et la je réalise soudain qu'il va y avoir ce besoin, je me dis aussitôt qu'un certain nombre d'événements ont déjà eu lieu, qu'ils ont donné à ouverture d'un
registre en mairie du 11e arr, la mort de certaines personnes, des événements tragiques et que là, inévitablement parce que ça s'est passé sur leur territoire, les habitants du 11e arr allait vouloir manifester leur compassion
et que donc on allait avoir un registre.'
COM
Suite à l'ouverture du premier
registre,
les messages et marques de soutien n'ont cessé de se multiplier
comme ces origamis
déposés par une association franco-japonaise
à la mairie du 11ieme
réquisitionnée
le soir du 13 Novembre,
pour accueillir les blessés et les rescapés.
Paris, 13ieme arrondissement
Après des mois de travail
et la numérisation des textes enfin accomplis
Notre chercheuse accompagnée
d'un expert dans l'analyse de données textuelles
analysent les premiers résultats.
LIVE H. Frouard + W. Martinez
SOT
William Martinez, spécialiste de lexicométrie
‘Dans l'approche statistique on travaille à partir de fréquences observées et le logiciel va permettre de calculer les spécificités c'est à dire des mots employés
plus souvent que prévus ou à l'inverse des mots utilisés moins souvent que prévus, ici on a un bloc de termes employés plus souvent que prévus chez les habitants du 11ieme à savoir ‘jeunesse', ‘bataclan', ‘soir', ‘notre', on pourrait également projeter sur
ce graphique des formes employées moins souvent que prévues, c'est le cas par exemple de ‘condoléances', qui apparaît ici sur le graph.'
COM
Dans ce cas précis,
les habitant du 11ieme
se seraient sentis eux mêmes victimes
et auraient donc eu tendance à moins employer ce terme.
Toutes une batterie de tests
que seul ce logiciel peut fournir.
SOT Hélène Frouard
‘C'est impossible de les analyser soi-même comme ça et puis souvent on sur-représente, on se dit, tiens j”ai vu beaucoup cette chose, mais en fait c'est pas vrai,
c'est nous qui y avons été plus sensible. Donc la ce qui est bien c'est que cette analyse statistique rend de façon très objective le contenu des textes. //
En tant qu'habitant du 11e, on se dit est ce qu'ils vont parler dans ce
registre d'une façon différente des autres personnes, // la ca a ete le cas, les gens du 11e parlent différemment des autres, ca nous permet d'avoir des pistes pour analyser et comprendre et éventuellement aller ré-interroger les
témoins et mieux comprendre comment un groupe particulier s'est senti ciblé par ces attentats.'
COM
Un outil révélateur
pour mieux comprendre comment certains
ont été marqués différemment à la suite de ces évènements tragiques ...
et des mots lourds de sens
inscrits à jamais dans l'histoire de la République.
Récit de Juliette Lacharnay