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© CNRS - 2022
Numéro de notice
7778
À la chasse aux exoplanètes - Va Savoir #02
Titre Série
Va savoirIl y a un quart de siècle, on découvrait la toute première exoplanète, située en dehors de notre système solaire. Et depuis, on en a découvert plus de 5000 ! Le prochain défi ? Étudier leurs atmosphères pour, peut-être, découvrir une nouvelle Terre... Dans ce nouvel épisode, on vous emmène à l'Observatoire de Paris, sur le site de Meudon, à la rencontre des scientifiques du Laboratoire d'études spatiales et d'instrumentation en astrophysique (LESIA) qui conçoivent des instruments extraordinaires pour traquer des planètes aux confins de la galaxie.
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Transcription
Maxime Labat :
Comme tous les bons fans de science-fiction. 2022 pour moi c'était pas les drones et le métaverse, c'était l'exploration interplanétaire, voire intergalactique.
J'ai tapé « planètes extraterrestres » sur internet, et après avoir fait bon usage de mon esprit critique, je me suis rendu compte qu'on était en fait à un des moments les plus passionnants de l'histoire des sciences. Les astronomes étaient en train de découvrir des planètes à la pelle : des exoplanètes. Des planètes qui orbitent autour d'autres étoiles quelque part dans la galaxie.
Alors bien sûr, l'existence de ces planètes orbitant autour d'autres étoiles était théoriquement connue depuis très longtemps. Mais jusque dans le milieu des années 90, le fait d'en détecter réellement une, restait de la science-fiction. C'est précisément en 1995 qu'on a découvert la première exoplanète du nom poétique de « 51 Pegasi b ». Depuis, on en a découvert 5000 en 25 ans. Ça fait en moyenne une tous les deux jours. J'étais en transe, même si bon, j'ai vite compris plusieurs choses. Déjà, je n'allais jamais voir de mon vivant une belle image d'exoplanètes, genre celle qu'on a ramené de Pluton il y a pas très longtemps. Et mes enfants non plus, et leurs enfants non plus. Et puis, pour ce qui est d'y aller, alors là…
Mais plus question de déprimer, alors j'ai décroché mon téléphone et j'ai appelé un astronome directement spécialiste des exoplanètes. Et c'est comme ça que je me suis retrouvé à l'Observatoire de Paris sur le site de Meudon pour discuter avec des chercheurs qui travaillent au LIESA, le Laboratoire d'études spatiales et d'instrumentation en astrophysique. Des scientifiques qui conservent des instruments donc c'est clair que Newton n'aurait même pas pu rêver.
Je voulais savoir quelle découverte ils allaient faire, eux, pour pouvoir nous faire rêver, nous.
Alors vous n'avez pas beaucoup de temps, alors ? Déjà, il y a des planètes autour de toutes les étoiles en fait ?
Anthony BOCCALETTI :
À peu près oui.
Maxime Labat :
Et du coup, à chaque fois que vous regardez une étoile, maintenant, vous voyez les planètes
Anthony BOCCALETTI :
Euh non.
Maxime Labat :
Avec toutes les techniques que vous avez, vous devez réussir à voir quasiment toute les planètes.
Anthony BOCCALETTI :
En réalité, on utilise plusieurs techniques, mais une planète, c'est relativement éloigné de nous. C'est une lumière très faible et ça se situe à côté d'un objet très brillant qui est l'étoile. Donc c'est difficile, même avec des instruments très puissants.
Maxime Labat :
Oui, c'est un peu comme essayer de regarder une luciole à côté d'un lampadaire qui se trouve à deux bornes.
Anthony BOCCALETTI :
Ou alors on dirait plutôt voir une luciole à côté d'un phare en Bretagne. Depuis Moscou, et encore faut pas qu'il y ait du brouillard.
Maxime Labat :
Ah, c'est pour ça que vous mettez les télescopes dans le désert ou en montagne ou au milieu du Pacifique ?
Anthony BOCCALETTI :
Oui, ou alors on peut aussi les relier entre eux avec plusieurs télescopes ou on peut envoyer le télescope dans l'espace.
Maxime Labat :
Depuis les années 70, des dizaines de télescopes ont été envoyés dans l'orbite terrestre pour observer l'univers sous toutes les coutures, sous toutes les longueurs d'ondes. Le plus connu très certainement jusqu'à maintenant, s'appelle Hubble et il fait la taille d'un bus. Avec tous ces télescopes, en orbite, je me disais qu'on avait dû mettre la main sur pas mal de planètes qui ressemblaient potentiellement à la Terre.
Mais alors du coup, s'il y avait une jumelle de la Terre à l'autre bout de la galaxie, on pourrait la voir ou pas ,
Anthony BOCCALETTI :
En fait, les exoplanètes qu'on connaît, elles se trouvent dans un rayon de 400 années-lumière autour de la Terre, alors que la Voie lactée mesure 100 000 années-lumière. Et puis une planète comme la Terre, c'est pas gros.
Maxime Labat :
Ouais c'est la luciole.
Anthony BOCCALETTI :
Ouais alors dans l'exemple de la Luciole, on pensait même plutôt à une planète comme Jupiter, voir plus gros. Et puis, si on veut avoir des informations sur l'atmosphère d'une planète, il faut pouvoir capter la lumière que nous émet ou qu'elle réfléchit de l'étoile.
Maxime Labat :
Ah pas juste détecter sa présence. Mais la voir quoi ?
Anthony BOCCALETTI :
Bah oui.
Maxime Labat :
Et ça, c'est mort.
Anthony BOCCALETTI :
Non, c'est pas mort. C'est justement sur ça qu'on travaille.
Maxime Labat :
Anthony, m'a emmené voir son collègue Johan. Trop sympa.
Johan MAZOYER :
Donc, ça a été inventé à l'Observatoire de Paris il y a 100 ans pour observer le soleil. Et là maintenant, on l'a détourné pour s'en servir, pour cacher les étoiles très brillantes et observer les planètes qui sont très peu brillantes juste à côté.
Maxime Labat :
Dans les années 30, Bernard Elliot invente le coronographe que vous voyez juste derrière moi et il va le mettre dans un endroit absolument incroyable, tout en haut du pic du midi, dans le but d'observer la couronne solaire. On a du mal à se représenter la prouesse technologique que c'était à l'époque. Aujourd'hui, Johan joue à peu près au même jeu de cache-cache avec les photons, mais plus au niveau du système solaire mais au niveau de la galaxie.
Johan MAZOYER :
Et donc bah ce que tu vois c'est que pour le moment on voit une image comme si on avait l'étoile comme si on observait une étoile à travers un télescope. Et ben là je vais mettre le masque devant l'étoile : d'un coup, ça fait disparaître la luminosité de l'étoile et là on voit apparaître la planète juste à côté. Alors ça, c'est le prototype de démo, le vrai instrument est dans une salle blanche, vous savez ce que c'est ?
Maxime Labat :
Une salle blanche. C'est un endroit dans lequel on essaye de contrôler la température, la pression, d'enlever les vibrations, et surtout toutes les petites particules en suspension pour faire des expériences ultra précises. Et on évite évidemment l'introduction de corps étrangers de type moi. Du coup, j'étais trop content d'y aller.
Johan MAZOYER :
S'il vous plaît, essayez de respirer normalement, sinon vous allez tomber dans les pommes.
Maxime Labat :
Vous n'allez pas me dire qu'avec un truc comme ça, vous cherchez pas des extraterrestres ?
Johan MAZOYER :
J'ai pas dit ça.
Maxime Labat :
Quoi ? Vous cherchez des extraterrestres ?
Johan MAZOYER :
J'ai pas dit ça.
Maxime Labat :
Ok mais alors, qu'est-ce que ? Qu'est-ce que vous faites avec ça ?
Johan MAZOYER :
C'est un instrument coronagraphique aussi. Sauf qu'ici, on n'a pas une vraie étoile qu'on observe. Donc, pour la remplacer, on va prendre un laser très puissant qu'on va fixer sur un détecteur. Et avec l'instrument coronagraphique, on va supprimer le laser de manière à ce que, à la fin, il n'y ait plus de lumière du laser qui arrive sur la caméra.
Maxime Labat :
Et Y a quoi à l'intérieur de ce truc ?
Johan MAZOYER :
Y a un coronographe. Vous voulez que je vous montre ?
Maxime Labat :
Ouais, ah carrément.
Johan MAZOYER :
Donc ici sur le banc, on simule donc tout un instrument coronanographique. Il y a pas mal de pièces très précises et en particulier des miroirs déformables. Sur un centimètre carré, plusieurs centaines d'actionneurs bougent très rapidement, très précisément pour pouvoir corriger la lumière qui arrive.
Maxime Labat :
Vous vous rendez compte des miroirs d'un centimètre carré déformés par des centaines d'actionneurs, dans l'espoir d'éliminer la lumière qui vient d'étoiles qui, elles, font plusieurs millions de kilomètres de diamètre. C'est quand même incroyable.
Johan MAZOYER :
Donc ça, c'est le genre d'images qu'on obtient sur le banc. Ici, au centre, c'était là ou il y avait l'étoile qui a été totalement supprimée. Là, c'est des taches de lumière qui sont créées par toute la lumière résiduelle qui reste de l'étoile. Et ça, c'est la zone qu'on arrive à corriger ou on peut potentiellement trouver des planètes. Et tu vois du coup qu'on pourrait réussir à la tourner pour chercher autour.
Maxime Labat :
Donc là, on pourrait voir apparaître Tataouine ou Pandora quoi.
Johan MAZOYER :
Alors les petites planètes comme la Terre ou les satellites, ça pour le moment, on a encore un peu de temps. Là, ce qu'on va surtout voir, c'est des grosses planètes de type Jupiter ou alors des disques de débris. Alors en parlant de ça, j'ai les petites photos de disque circumstellaires dans mon ordi. Vous m'en direz des nouvelles !
Maxime Labat :
C'est pas de refus.
En fait, un instrument conçu ici au LESIA vient déjà de partir dans l'espace avec le James Webb Telescope, le télescope spatial le plus puissant de l'histoire. Mais il va surtout permettre de faire de l'observation directe et donner aux astronomes pleins d'informations sur les atmosphères de ces autres mondes. Et peut-être découvrir enfin une seconde Terre, une autre planète habitable.
Et puis John a commencé à m'expliquer que lui, c'était pas tellement ce qu'il animait. Mais alors, même si on détermine que la vie est possible dans l'univers, si on peut jamais y aller, à quoi sert, à quoi ça sert ?
Johan MAZOYER :
Juste pour comprendre, pour savoir. C'est comme la tectonique des plaques ou la théorie de l'évolution ou la relativité générale. Au début, qu'on l'invente, c'est juste de savoir qui nous intéresse. Et puis on ne sait pas exactement qu'est-ce que ça peut nous amener. Non seulement en termes de nouvelles innovations techniques et même en plus pour savoir, en fait pour la révolution philosophique que ça amènerait, autant si on sait qu'on est seul dans l'univers ou si on sait qu'il y a une autre planète avec de la vie dans l'univers ; et même en attendant, moi, ce qui me fait rêver au jour le jour, bah c'est ça, c'est la formation des planètes, c'est un autre monde…
Maxime Labat :
Et en l'écoutant parler avec autant de passion, de disques, de débris, situé à des millions de kilomètres de nous, j'ai compris qu'aucun astronome n'avait jamais été motivé par l'idée de nous faire changer de monde. Eux, leur but, c'est de changer le monde, de changer notre manière de le voir, notre manière de le comprendre. Imaginez, on estime à 20 milliards le nombre de planètes rien que dans notre galaxie.
Les observations qui vont être faites dans les décennies à venir vont peut-être nous permettre de remettre en cause nos paradigmes, de Galilée à Newton, de Newton à Einstein. Et après ? Et comme disait Johan, à quoi serviront les technologies, les maths, les idées, les concepts qui auront été développés en chemin pour comprendre tout ça ?
Nous aussi, on a le droit de regarder le futur en rêvant. Et comme disait Pierre Dac, rien n'est jamais complètement perdu, tant qu'il reste quelque chose à trouver.