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© CNRS - 2023

Numéro de notice

7670

Des paysages qui s'écoutent

Écouter les paysages plutôt que les regarder. Telle est l'approche d'Anne Sourdril, ethnologue, et Luc Barbaro, écologue, qui sillonnent le sud de l'Arizona en captant tous les bruits d'origine animale, météorologique ou humaine. Ils utilisent le concept de paysage sonore pour étudier les écosystèmes, l'impact des bruits d'origine humaine sur la faune ou encore les liens qui unissent les habitants à leur environnement.

Durée

00:08:10

Année de production

Définition

HD

Couleur

Couleur

Son

Sonore

Version(s)

Français
Anglais
VI

Support Original

MPEG4

Transcription


Commentaire voix-off :
Voici un paysage comme il en existe peu, celui du Far West américain, celui de l'Arizona. Ici, on passe des montagnes envahies de Saguaro, ces cactus emblématiques de la région, aux plaines herbeuses, dorées, à perte de vue. Mais la variété des paysages de l'Arizona n'est pas exclusivement pour les yeux. Elle peut aussi s'écouter.
Luc Barbaro, écologue, et Anne Sourdril anthropologue au CNRS, s'intéressent aux sons de l'Arizona. Pendant les deux semaines de leur mission, ils vont sillonner la région entre la grande ville de Tucson et la frontière mexicaine. L'occasion de rencontrer des habitants et d'enregistrer les sons de ces paysages si différents de la France.

Anne SOURDRIL - anthropologue
C'est un projet à deux focales. La première en écologie du paysage, en bio-acoustique, où on essaie de comprendre un peu comment les sons d'un paysage peuvent caractériser l'état des écosystèmes. Et la deuxième perspective qu'on essaie de mettre en place, c'est plus une perspective sociologique, anthropologique où on essaye de comprendre comment les acteurs locaux, la société locale entend son territoire, comment les paysages sonnent.

Commentaire voix-off :
Un territoire riche. Dans cet environnement sec, a priori hostile, se développe pourtant une faune exceptionnelle. L'Arizona est connue et reconnue comme lieu de prédilection pour y observer les oiseaux : colibri à couronne violette, moucherolle vermillon ou encore pic des saguaro. Et si on tend l'oreille, on peut même les entendre.

Laura COUCHMAN – guide bénévole
Est-ce que tout le monde l'a vu ?

Commentaire voix-off :
Ce matin, l'anthropologue française réalise une observation participante. Elle assiste à une visite ornithologique dans un parc de la banlieue de Tucson.

Laura COUCHMAN – guide bénévole
Est-ce que vos téléphones ont entendu des oiseaux ?

Commentaire voix-off :
Pour cette activité, la guide bénévole utilise justement le son pour identifier les espèces. Car aujourd'hui, les participants apprennent à se servir d'une application sur smartphone qui reconnaît le chant des oiseaux. En ornithologie, le son est un outil-clé.

Laura COUCHMAN – guide bénévole
Le son est très important dans l'identification des oiseaux parce que chaque espèce d'oiseau a une voix différente qu'il utilise pour communiquer avec ses congénères, pour surveiller le territoire, pour prévenir les autres oiseaux. Chaque communication a une signification singulière et précise.

Commentaire voix-off :
L'écologue utilise lui aussi les sons de la nature. Aujourd'hui, il vient poser un microphone dans une réserve naturelle. Il va le laisser plusieurs jours dans un endroit bien stratégique, entre un ruisseau et un sentier de randonnée. Il essaye ainsi de comprendre l'environnement sonore global.

Luc Barbaro - écologue
On s'attend à enregistrer des choses intéressantes, que ce soit des oiseaux ou des mammifères ou des orthoptères. Là, on entend une stridulation de criquets. Il y a encore beaucoup de criquets à cette époque de l'année. On peut aussi avoir des gens qui passent, du bruit des usagers de la nature, en fait, même si c'est un endroit qui n'est peut-être pas très fréquenté. Là par exemple, il y a quelqu'un qui passe. Donc ça peut être intéressant, des gens qui font du VTT, qui se promènent avec leur chien.

Commentaire voix-off :
C'est ce qu'on appelle un paysage sonore. La somme de tous les bruits, qu'ils soient d'origine biologique, météorologique ou humaine. Luc Barbaro se sert de cet outil pour étudier les écosystèmes.

Luc Barbaro - écologue
Le son, c'est intéressant parce que déjà on l'aborde de manière passive, c'est-à-dire que on n'intervient pas sur l'enregistrement lui-même, on n'a pas de perturbation humaine, il n'y a pas d'effet observateur, il n'y a pas de biais d'observation, tous les sons sont, la manière dont on enregistre les sons, sont comparables donc c'est standardisé. En plus, c'est une méthode qui est intégrative, on peut enregistrer à la fois des sons d'origine biologique et des sons d'origine anthropique, donc leur coexistence, par exemple.

Commentaire voix-off :
Pour décrypter le lien entre l'environnement sonore et les habitants, l'équipe a choisi de s'intéresser plus particulièrement à une petite ville minière à la frontière mexicaine : Patagonia. Ici, on parle autant des bruits de la mine que des oiseaux.

Anne SOURDRIL - anthropologue
C'est toujours difficile de faire parler les gens sur le son parce que c'est un sens qu'on, contrairement à la vue, qu'on ne conscientise pas généralement. Généralement, la première chose qu'on me dit, on me parle des nuisances, quand je parle de la mine et que je parle du son, on me parle des nuisances sonores.

Commentaire voix-off :
Aujourd'hui, Anne Sourdril rencontre justement une militante écologiste locale. Caroline Schafer se bat contre un nouveau projet de mine de cuivre.

Caroline Shafer – militante écologiste
On doit faire des choix meilleurs et plus informés. Il y a des endroits où il ne devrait tout simplement pas y avoir de mines.

Commentaire voix-off :
Cet après-midi, elles se rendent sur les lieux de la future mine. D'après Caroline Schafer, ce projet utiliserait les faibles ressources en eau du territoire. La voiture s'approche de la mine en construction. Le paysage change radicalement. Sur ces images aériennes obtenues par l'association, on peut voir l'ampleur des travaux. La militante s'intéresse également aux sons. Elle craint que les nuisances sonores de la mine affectent la vie des animaux.

Caroline Shafer – militante écologiste
Derrière moi, vous entendez le trafic des véhicules et ça ne va pas aller en s'arrangeant. Les animaux que j'ai toujours observés, ils m'entendent arriver. Leur audition est très développée. C'est un système d'alarme primitif. Donc toutes ces nuisances vont avoir un impact direct sur eux. Je trouve ça très préoccupant.

Commentaire voix-off :
En analysant les paysages sonores, on peut justement étudier comment les animaux vivent avec ces nuisances. Voici un enregistrement fait en ville il y a quelques jours. Luc Barbaro utilise un spectrogramme. Chaque son a une fréquence bien précise. En bas, la zone plus claire correspond aux bruits de la ville. Les traits qui montent, eux, représentent le chant des oiseaux.

Luc Barbaro – écologue
Ce qui est intéressant dans ce son péri-urbain c'est la coexistence entre les sons anthropiques et les sons biologiques, et notamment au cours de la journée dans le cycle de 24 heures, on peut s'apercevoir que les oiseaux adaptent leur activité sonore, vocale, à l'activité anthropique. Normalement, dans le trafic urbain par exemple, ils peuvent décaler le pic de chant matinal pour ne pas être superposés temporellement à, au maximum du trafic aux heures de pointe en fait..

Commentaire voix-off :
L'enquête en Arizona se poursuit et prendra plusieurs années. En comparant les données des enregistreurs à un travail de fond anthropologique, l'équipe espère ainsi arriver à une compréhension très fine du territoire et de tous ses habitants, humains comme animaux.

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