Ces bulles éclatent... les déchets électroniques ZPP#06

Transcription

Changer de téléphone tous les trois mois juste pour te la jouer sur les réseaux sociaux, grâce à des photos en turbo gigapixels de tes petits raviolis vegan cuisinés dans une petite péniche autogérée qui tourne au solaire. C'est comme adopter un panda roux juste pour le disséquer. Bon, c'est un peu fun, mais c'est pas très logique.

Chaque année, nous générons collectivement 45 millions de tonnes de déchets électroniques et ce chiffre ne cesse de croître à une vitesse inquiétante. Comme on les balance n'importe où, ces déchets laissent s'échapper les éléments toxiques qu'ils contiennent, plomb, zinc, arsenic, mercure, etc., et contaminent donc les eaux et les sols Mais ce n'est pas tout. Ils diffusent également des perturbateurs endocriniens qui rendent des grenouilles complètement folles et nous font écouter leurs disques déments.

Et enfin, les déchets se dépouillent de leurs métaux rares. Vous savez ce qui coûte si cher à extraire et qui auront bientôt disparu. Alors que faire ? Le premier geste indispensable, c'est d'effectuer un tri à la source. Si toi aussi tu rêvais d'un autre monde, eh bah il ne faut pas jeter ton téléphone au même endroit que les bouteilles en plastique « Bertrand ».

Dans un second temps, il faut mettre en place des méthodes efficaces pour récupérer les métaux. Bon, pour ça, on a principalement recours à des méthodes utilisées dans l'industrie minière : hydrométallurgie, électrolyse, pyrométallurgie. Le problème, c'est qu'elles présentent de nombreux inconvénients sur le plan environnemental. Par exemple, la pyrométallurgie utilise beaucoup d'énergie et se fait dans d'immenses centres situés principalement en Allemagne.

Alors, on n'a rien a priori contre la « Deutsche Qualität », mais bon, ça coûte bonbon au niveau bilan carbone, après pour redistribuer les ressources partout sur la planète. Et vous l'aurez deviné, c'est pour ça qu'on est là aujourd'hui. Des scientifiques ont peut-être bien trouvé la solution. Ces chercheurs parisiens du laboratoire Sciences et ingénierie de la matière molle à l'ESPCI ont en effet mis au point une méthode astucieuse.

Vous connaissez le fameux théorème de Desproges : immanquablement, quand on plonge un corps dans un bain moussant, le téléphone sonne. Et pour contrer ce maléfice, les chercheurs balancent justement le téléphone, mais aussi ordinateurs et autres télés dans des mousses aqueuses. Et ça change tout. Car jusqu'ici, on emploie surtout des solvants qui ont un gros inconvénient : ils génèrent de grandes quantités d'effluents polluants, comme de l'acide sulfurique et du cyanure.

Concrètement, comment on procède ? Tout d'abord, on broie les déchets. Ça, c'est un grand classique. Quand tu largues un mec, tu l'abandonnes pas intact, à la terrasse d'un café. Tu l'écrabouille un peu d'abord. Et bah, avec les claviers d'ordinateur, c'est pareil. Pour les recycler, on ne les plonge pas tout entier dans un bain. Car oui, on parle ici de mousse qui ressemble furieusement à celle de votre baignoire.

Ici, pour nous faire une démonstration de leur manip, les chercheurs ont concentré l'argent issu des déchets électroniques sous la forme de petites plaques On les plonge dans la mousse qui contient de faibles quantités de tensio actifs qui permettent de fabriquer des bulles mais aussi de l'ammoniaque. Le dioxygène présent dans l'air contenu dans les mousses permet alors une oxydation rapide et efficace de l'argent qui se dissout dans la solution sous forme d'ions.

Ici, pour la démo, on voit que la solution devient bleue sous l'effet de cette dissolution. Ça s'appelle la lixiviation.

- « Hein ? Quoi ? Non mais là t'invente des mots, on me la fait pas.
- Oui, bon, il y a quelques nuances, mais en gros, ça veut dire dissolution. Sauf que ça fait plus scientifique. Et puis c'est pratique au scrabble, quand tu ne sais pas quoi faire de tes I et de tes X.
- Ah non, mais moi je joue plus avec toi. C'est mort. »

Quand on compare la plaque avant et après, on voit qu'elle n'a plus le même éclat. Une couche a bien disparu.

« Là on a une plaque avant l'expérience qui est entièrement polie et qui brille. Et une fois qu'elle a été lixiviée, la surface devient rugueuse et on peut voir qu'elle est terne. Par contre la partie qui n'a pas réagi qui a servi de support, elle, elle brille encore. »

Et dites-vous que ces plaques sont 1000 fois plus épaisses que les métaux qui sont sur les circuits électroniques. Donc ça veut dire que ça marche largement. Sachant que l'argent est très difficile à dissoudre et que cette méthode est la seule qui ne soit pas corrosive et ne pollue pas. Bravo les chercheurs ! On peut ensuite assez facilement récupérer ces métaux pour les réutiliser, ce qui n'est pas du luxe, sachant qu'il reste environ 17 ans de réserve d'argent disponible dans le monde alors qu'on en met absolument dans tout.

A priori, rien n'empêche ensuite d'étendre la méthode à d'autres métaux, comme par exemple le cuivre, en changeant un tout petit peu la recette. Ce qui ouvre des perspectives prometteuses pour recycler les métaux contenus dans nos vieux frigos, tablettes et autres Tamagotchi momifiés, sans massacrer davantage l'environnement. Pour l'heure, cette méthode en est au stade expérimentale. Il y a donc fort à parier que vos prochains téléphones ne finiront pas dans ce bain moussant. Mais ces travaux ouvrent une perspective salutaire qui pourrait nous permettre très bientôt de réduire tant la pollution que le gaspillage.

Et ça, c'est vraiment … .

- « Non mais là, vraiment t'invente, c'est pas possible.
- Peut-être… »

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