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© CNRS - 2021

Numéro de notice

7341

Daurade royale face au changement climatique (La)

Jusqu'où la faune marine parviendra-t-elle à supporter la hausse des températures ? Découvrez, dans ce film comment des scientifiques tentent de déterminer l'impact du réchauffement climatique sur la physiologie et le comportement de la daurade royale, poisson méditerranéen hypersensible.

Durée

00:07:54

Année de production

Définition

HD

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Son

Sonore

Version(s)

Français
Anglais
VI

Support Original

Apple ProRes 422

Transcription


Face à l'accélération du réchauffement planétaire, certaines régions se montrent plus vulnérables que d'autres : les pôles par exemple, ou encore la Méditerranée, véritable mer intérieure, qui se réchauffe 20% plus vite que le reste des océans. La situation est particulièrement critique sur la bande littorale laissant craindre selon les experts une modification profonde des communautés animales et végétales qui la peuplent.

Combien de temps encore cette daurade royale pourra-t-elle utiliser ces habitats lagunaires du pourtour méditerranéen ? Une question qui intéresse des scientifiques du CNRS et de l'Ifremer car ce poisson emblématique de la région, utilise ces lagunes pour se nourrir et constituer ses réserves énergétiques avant de se reproduire.

Jérôme Bourgea - biologiste marin - IFREMER
“Quand on réfléchit à des espèces comme la daurade qui utilisent très fortement ces lagunes, on peut se dire : mais qu'est-ce qu'il va se passer si la température de ses lagunes va prendre 1, 2, 3 degrés. Aujourd'hui est à 30 / 33 °c au plus chaud dans les lagunes mais peut être que dans 10 ans on va être à 35, 36 °c. Quelles sont leurs capacités pour supporter ces augmentations de températures ?”

Et en effet la question se pose car chaque année en été, les épisodes caniculaires bouleversent les conditions de vie des coquillages et des poissons méditerranéens au grand dam notamment des professionnels de la pêche. Surnommé localement la « malaïgue », littéralement “la mauvaise eau” en occitan, ce phénomène de surchauffe se produit de plus en plus fréquemment. Lorsque l'augmentation de la température combinée à l'absence de vent entraîne un bloom phytoplanctonique, autrement dit une prolifération d'algues et de bactéries qui consomment l'essentiel de l'oxygène disponible dans la colonne d'eau.

Face à cette raréfaction de l'oxygène, certaines espèces de poissons désertent les lieux et notamment les daurades royales qui quittent les étangs vers le large.

Pour comprendre le comportement des daurades à l'approche de ces événements extrêmes, Jérôme Bourjea et son équipe utilisent une technique dite de bioacoustique.

Jérôme Bourgea - biologiste marin
“On a une approche que l'on appelle une approche de télémétrie acoustique, c'est à dire que l'on va mettre dans l'eau des petits appareils qui vont écouter des bruits, et ces bruits spécifiques c'est quoi ? ce sont émis des petits émetteurs que l'on va implanter à l'intérieur de la daurade et qui vont l'identifier. Et on verra à quel moment quel poisson est passé à quel endroit.”

Le suivi du déplacement des daurades dans les étangs est permis grâce à l'aide des pêcheurs professionnels de l'étang de Thau et de Leucate. Dans cette collaboration, tous mettent à profit leurs savoirs faire pour cette étude qui nécessite la capture de daurades vivantes.

Après quelques mesures biométriques, poids, taille, et un prélèvement d'écailles permettant de déterminer l'âge du poisson, la daurade préalablement endormie est équipée d'un émetteur acoustique. Grâce à sa fréquence sonore unique, chaque émetteur déclinera son identité lorsque le poisson passera proche des stations d'écoutes.
Mais avant de connaître les allers et venues des daurades en milieu naturel, Jérôme va devoir patienter plusieurs mois

Dans l'attente des prochains épisodes de malaïgues, notre biologiste collabore avec David Mckenzie, physiologiste pour mener une expérience en milieu contrôlé. L'expérience en captivité offre l'opportunité de déterminer finement les impacts des conditions environnementales en mesurant l'état de santé du poisson grâce à ses battements cardiaques.

Quelques daurades pêchées dans l'étang de Leucate ont ainsi fait le voyage jusqu'à la station Ifremer de Palavas-les-flots dans un bassin oxygéné.

David Mckenzie - Physiologiste - CNRS
“La difficulté avec les poissons c'est de savoir leur dépense énergétique dans des conditions naturelles. Nous leur mettons des capteurs pour capter la fréquence cardiaque et ensuite on va calibrer les relations entre les performances de l'animal dans le tunnel de nage avec la performance de son coeur.”

Le tunnel de nage est un dispositif expérimental qui permet de faire varier individuellement et progressivement différents paramètres tels que l'intensité du courant, la température de l'eau et le taux d'oxygénation du bassin.

David Mckenzie - Physiologiste - CNRS
“ Ce qui se passe ici, c'est des cycles ou le poisson consomme l'oxygène dans la partie hermétique, il nage spontanément contre le courant, et donc on mesure combien il consomme d'oxygène.”

Les scientifiques reproduisent ainsi les conditions environnementales que les daurades rencontrent pendant un épisode caniculaire de malaïgue.

David détermine, grâce à ce protocole, le seuil de tolérance de la daurade au-delà duquel le fonctionnement vital de l'organisme est perturbé voire mis en danger par les conditions du milieu. Comme l'explique le chercheur les résultats sont très marqués :

David McKenzie :
Ce qu'on a trouvé, c'est qu'ils sont super sensibles au changement de température, on a augmenté de très peu et ça a eu des effets très marqués sur leur physiologie. Leur taux métabolique, leur consommation d'oxygène a augmenté, et ça c'était juste entre 25 et 27 °C.

De plus, l'équipe a mis en évidence que l'organisme d'une daurade ne peut supporter des températures dans l'eau supérieures à 35°c. Un seuil critique que le poisson a la possibilité d'éviter dans le milieu naturel.

En fait, les poissons sentent la température de l'eau, ils sentent l'oxygène dans l'eau. Donc ils ont des récepteurs qui leur permettent de savoir ce qu'il se passent. Et quand le poisson sait que cela arrive à des niveaux dangereux, il va partir.

L'expérience de David prédit ainsi que les Daurades en milieu naturel peuvent anticiper les périodes trop chaudes en fuyant vers le large. Pour le vérifier Jérôme récupère après quelques mois les données stockées dans les différentes stations d'écoutes réparties sur les étangs et aux embouchures des chenaux. En analysant rétrospectivement le trajet des daurades équipées, il découvre les premiers résultats du dispositif d'écoute et constate que sur l'étang de Thau toutes les daurades ont quitté simultanément l'étang au mois d'août.

Jérôme Bourjea et Alexandre Mignucci :
Alexandre : On voit bien que les daurades sont toutes sorties vraiment en même temps.
Jérôme : Incroyable ! Cela va être très intéressant de corréler, puisqu'on a les températures dans l'eau, de voir si on a un moment seuil sur lequel elles sortent et si cela correspond à toute cette partie expérimentale qu'on a fait à Palavas.

En milieu naturel, toute les daurades équipées d'émetteur ont donc déserté l'étang à des températures voisines de 28°c, c'est-à-dire dès que les conditions sont devenues contraignantes.

Les travaux de Jérôme Bourjea et David McKenzie qui mêlent l'écologie du mouvement et la physiologie permettent ainsi de préciser la plasticité écologique de la daurade royale. En connaissant ces paramètres de tolérance, l'ambition de cette étude est de déterminer la fenêtre de présence de l'espèce dans les étangs du pourtour méditerranéen.

Jérôme Bourjea :
“Dans dix, 20, 30 ans quelle sera la fréquentation des lagunes par les daurades. Si elle diminue, cela veut dire quoi ? cela veut dire moins d'alimentation, une phase prépondérante pour préparer la reproduction de cette espèce. Quel sera l'impact sur ce stock ? On a clairement ici une problématique à creuser dans les années à venir. Mais plus largement en fait ces augmentations de température dans ces lagunes elles vont impacter l'écosystème en générale "

Cette étude menée, doit prochainement s'étendre à d'autres espèces côtières, comme le loup,
une espèce également très convoité par le monde de la pêche.

Dans un contexte de changement rapide de leur environnement, poissons et pêcheurs vont devoir s'adapter et modifier leur utilisation du littoral côtier méditerranéen.

Réalisateur(s)

Aurélien PRUDOR

Production

Référent(s) scientifique(s)

Délégation(s)

Thématiques scientifiques

CNRS Images,

Nous mettons en images les recherches scientifiques pour contribuer à une meilleure compréhension du monde, éveiller la curiosité et susciter l'émerveillement de tous.