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7936
Système vestibulaire, un sixième sens méconnu (Le)
Vous avez un sixième sens ! Le sens vestibulaire trouve son origine dans l'oreille interne. Bien que silencieux, il joue un rôle clé pour percevoir les mouvements du corps et contrôler notre équilibre. Mais il pourrait aussi avoir un rôle inattendu…
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Transcription
Commentaire voix-off :
Depuis Aristote, on identifie cinq sens chez l'être humain : la vue, le toucher, l'ouïe, l'odorat et le goût. Il en existe en fait un sixième, méconnu mais tout aussi important, le sens vestibulaire. Prenant naissance dans l'oreille interne, il règlemente le sens du mouvement et de l'équilibre, nous permet de situer notre corps dans l'espace, de percevoir nos déplacements et ceux de notre entourage. Mais au-delà de ses fonctions, le système vestibulaire pourrait également être lié aux aspects les plus fondamentaux de la conscience de soi, c'est à dire à notre sentiment même d'exister.
À Marseille, dans le laboratoire de neurosciences cognitives de la faculté Saint-Charles, les recherches de Christophe Lopez tentent d'établir des ponts entre neurosciences et psychologie. C'est le projet Vesti Self.
Christophe Lopez :
On s'intéresse plus particulièrement dans notre projet à ce qu'on appelle la conscience corporelle de soi. Donc c'est le sentiment d'être soi à travers les perceptions que l'on a de son corps propre. Ce qui est nouveau dans ce projet, c'est d'essayer d'étudier les bases sensorimotrices du soi corporel, donc de l'expérience d'être un soi à travers les perceptions qui proviennent du corps. Et jusqu'à présent, ce qui a été ignoré, ce sont les contributions de ce système vestibulaire, donc ce sens-là qui est silencieux, méconnu. On ignore largement de quelle façon il contribue à bâtir, à élaborer le soi corporel.
Commentaire voix-off :
30 % de la population française consultent au moins une fois dans sa vie pour des vertiges ou des pertes d'équilibre. De plus en plus fréquents avec l'âge, ils concernent davantage les femmes que les hommes. Dans le centre des vertiges de l'hôpital européen, partenaire du projet VestiSelf, la Dr Elzière est spécialisée dans l'évaluation du système vestibulaire. Les patients ont souvent du mal à décrire précisément ce qu'ils ressentent et certains symptômes sont très déconcertants pour le corps médical.
Maya Elzière :
Donc, regarder vers la droite sans bouger la tête, regarder vers la gauche.
Et donc on a décidé avec le docteur Lopez de se lancer dans une étude où on faisait remplir des questionnaires à tous les patients qui venaient dans ma consultation et qui présentaient des troubles de l'équilibre. On a mis en évidence qu'il y avait un grand grand nombre qui avaient cette atteinte, ces symptômes de déréalisation et de dépersonnalisation, et qu'il y avait aussi un grand nombre qui avaient une sensation de sortie de leur corps, qui est l'extrême en fait, l'extrême de cet, de ce syndrome-là et qui est potentiellement très, très anxiogène.
Et les patients, il faut établir une relation de confiance avant qu'ils nous disent ça, parce que sinon, ils vont être étiquetés « maladie psychiatrique » et ils vont dire : « Attends, je ne veux pas donner, dire ça à un ORL. »
Commentaire voix-off :
Depuis quatre ans, cette jeune femme subit régulièrement des vertiges, crise rotatoire, troubles de l'audition, acouphènes ou encore vomissements. Et elle se sent incomprise par son entourage.
Sarah Perfumo :
Je savais jamais vraiment comment dire ce que c'est. Et les gens ont tendance voilà, à dénigrer et à sous-estimer les symptômes. Et c'est vrai que du coup, vous, vous avez un sentiment, vous osez plus en parler parce que vous en avez marre aussi qu'on vous, qu'on vous dise en permanence : « ça va t'as juste des vertiges, ça va, c'est pas la fin du monde. »
Commentaire voix-off :
Les troubles étranges ressentis par certains patients pourraient avoir un lien avec une désorganisation de la représentation de soi. Pour appuyer cette hypothèse, plusieurs expériences multisensorielles où le soi paraît désincarné sont menées.
Retour au Laboratoire de neurosciences cognitives de la faculté Saint Charles. Grâce à la réalité virtuelle, les scientifiques vont reproduire chez des volontaires sains des illusions proches d'une expérience de sortie du corps, fréquemment rapportées par les patients atteints d'une maladie vestibulaire.
Zoé Dary :
Le participant porte un casque donc de réalité virtuelle dans lequel il observe un avatar qui est de dos dans la même position que lui et devant lui. L'expérimentateur va appliquer des stimulations tactiles sur le dos du participant et ces stimulations tactiles vont être reproduites sur le dos de l'avatar qui est observé par le participant.
Commentaire voix-off :
La stimulation est synchrone, c'est à dire que la stimulation sentie dans le dos du participant a lieu en même temps et au même endroit sur le dos de l'avatar.
Zoé Dary :
Pendant la stimulation synchrone, les participants rapportent qu'ils ont l'impression que le corps devant eux pourrait être leur propre corps, qui pourrait par exemple le mettre en mouvement. Ils ont également l'impression que le toucher, qu'ils ressentent dans leur dos, et ce et le toucher en fait qu'ils voient sur le corps de l'avatar, ce qui traduit cette forte identification à cet avatar devant eux.
Christophe Lopez :
Ce qu'on peut voir là, c'est que la vision et le toucher ont l'air de contribuer à la conscience corporelle de soi, et le système vestibulaire, très probablement, va aussi être intégré avec toutes ces autres informations sensorielles, pour nous donner un sens de ce qu'est ce soi corporel. Ça nous permet aussi de tester l'hypothèse selon laquelle, chez des personnes, des patients qui ont des atteintes du système vestibulaire périphérique, il va y avoir des modifications de la conscience corporelle de soi, justement parce qu'il va y avoir des conflits entre différentes informations sensorielles, qui peuvent être proches de ce qu'on arrive à recréer dans ces environnements virtuels, en modifiant justement la cohérence entre la vision et le toucher.
Commentaire voix-off :
Une autre expérience a eu lieu à l'hôpital de la Timone, dans le service d'épileptologie et rythmologie cérébrale du professeur Fabrice Bartoloméi, autre partenaire du projet VestiSelf. Chez des patients, dans le cadre d'un diagnostic d'évaluation pré-chirurgicale de l'épilepsie, certaines zones du cerveau sont stimulées grâce à des électrodes. Cette stimulation permet d'identifier les régions impliquées dans le traitement d'informations vestibulaires et le soi corporel.
Christophe Lopez :
Il arrive que lors de stimulations de certaines régions, les patients rapportent des sensations qu'on qualifie de vestibulaires : des illusions de rotation du corps, des illusions de translation du corps, la sensation de léviter dans la pièce ou de s'effondrer dans la pièce. Ça on peut dire que ce sont des illusions vestibulaires, donc on essaye de faire une cartographie, donc d'identifier la localisation des régions qui, lorsqu'elles sont stimulées, évoquent ses illusions de mouvement.
Grâce à ce projet VestiSelf, ce qu'on espère, c'est une meilleure compréhension des patients qui ont pu errer d'un spécialiste à un autre. Et deuxièmement, ce qu'on espère pouvoir mettre en place, c'est une meilleure prise en charge de ces patients, en prenant en charge aussi des aspects psychologiques dans leur parcours de soins, qui est, ce qui n'était pas nécessairement le cas jusqu'à présent.
Commentaire voix-off :
Même si le système vestibulaire est loin d'avoir livré tous ses secrets, la science arrive aujourd'hui à comprendre qu'il est impliqué dans des fonctions de haut niveau comme la cognition, la représentation du soi dans l'espace ou le soi. Il joue donc un rôle essentiel dans le bien-être et le développement de chaque individu.