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© CNRS - 2024

Numéro de notice

8012

Séismes, architectes du paysage (Les)

Ces dernières années, le centre de l'Italie a été touché par d'importants séismes, dont deux particulièrement meurtriers en 2009 et 2016. Le long des failles, des pans de montagne se sont affaissés tandis que d'autres se sont élevés, révélant ainsi des traces sédimentaires du passé. A Roccapreturo, dans les Abruzzes, des géologues étudient les liens entre activité tectonique et variations du paysage pour retracer jusqu'à 100 000 ans d'histoire sismique. Des travaux qui pourraient aider à anticiper de futures secousses.

Durée

00:08:02

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Français

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Transcription


Commentaire voix-off :
Très récemment, l'Italie a connu une série de séismes importants, souvent meurtriers : en 2009 autour de l'Aquila, puis en 2016 dans la province de Norcia. Recréée dans un laboratoire du CNRS, la transcription de l'onde sismique du séisme de 2016, d'une magnitude de 6,5 sur l'échelle de Richter, témoigne de la violence de l'événement.
Ce séisme a eu des conséquences catastrophiques pour la population : près de 300 morts, des centaines de blessés et des milliers de personnes évacuées. Au-delà des victimes, quelles sont les traces de ce séisme sur le paysage ? Y a-t-il un lien entre cet événement de quelques secondes et la formation d'une montagne, haute de plusieurs centaines de mètres ?
Pour répondre à ces questions, des chercheurs se rendent dans les Abruzzes, à 30 kilomètres au sud de l'épicentre du séisme de l'Aquila en 2009. Cette zone est intéressante. Le relief laisse pressentir que d'autres séismes, dont on connaît très peu de choses, se sont produits ici par le passé, il y a plusieurs milliers d'années.

Lucilla Benedetti :
C'est la carte qu'on en a faite avec l'Aterno qui est ici. Nous, on va étudier ce système de failles-là qu'on appelle le système de Roccapreturo qui longe la vallée de l'Aterno.

Commentaire voix-off :
Les scientifiques perçoivent les séismes comme une respiration de notre croûte terrestre, générant un relief. Ils sont causés par la libération d'énergie, accumulée par les déplacements et les frictions des différentes plaques tectoniques. En se déplaçant, elle crée une faille dans les profondeurs de la terre, qui peut parfois atteindre la surface.

Lucilla Benedetti :
On s'intéresse à cette faille, donc la faille de Roccapreturo, donc qu'on voit là, juste devant nous. Et ce qu'on cherche à savoir, c'est comment elle s'est construite, en fait, au cours du temps, donc sur les derniers 10 000 à 100 000 ans, quels sont les séismes qui se sont produits sur cette faille dans le passé, pour mieux appréhender effectivement si ces failles sont susceptibles de produire des forts séismes dans les prochaines 100 années qui arrivent.

Commentaire voix-off :
Après une randonnée dans la montagne, les scientifiques arrivent sur site, au pied du miroir de faille, la partie lisse de la faille exposée en surface, appelée aussi escarpement. Une partie de l'équipe commence à creuser une tranchée qui va lui apporter de précieuses informations sur les déplacements produits sur cette faille, au cours des derniers milliers d'années.

Magali Riesner :
Ici en Italie donc, il y a beaucoup de récits justement historiques qui sont rapportés parce qu'il y a une histoire qui est assez, assez longue, mais, mais donc c'est du ressenti. On va avoir par exemple des écrits qui vont nous dire : telle église est tombée à peu près en telle année. On sait qu'il y a sûrement eu des séismes, mais on ne sait pas à quelle faille les, les attribuer.
Donc l'intérêt de creuser cette tranchée, c'est que, au pied de l'escarpement, on a des sédiments qui sont recoupés par, par la faille et donc on espère voir les sédiments et pouvoir les dater et donc avoir une idée de, à quel moment a eu lieu le dernier séisme.

Commentaire voix-off :
Une autre façon d'en savoir plus sur l'histoire de ces failles, c'est d'étudier les modifications du paysage qui peuvent être particulièrement importantes lors des grands séismes. En 2016, un peu plus au nord, les scientifiques ont eu la chance de pouvoir observer le Mont Vettore juste avant et après le tremblement de terre.

Lucilla Benedetti :
Déjà d'avoir un séisme d'une telle magnitude qui crée des déformations comme ça, en surface, dans une zone sur laquelle on travaille depuis une dizaine d'années, c'est assez exceptionnel dans la carrière d'un chercheur. Et avoir ces données en fait d'avant/après le séisme, c'est encore plus exceptionnel. On a une partie de la faille qui est montée et une autre partie s'est affaissée et donc on a presque deux mètres de terre, donc une partie qui était auparavant enfouie sous le sol, qui s'est retrouvée littéralement exhumée, donc exposée, tout le long de cette faille du Mont Vettore.

Commentaire voix-off :
Au Mont Vettore en 2016, mais aussi sur la faille de Roccapreturo, où travaille aujourd'hui l'équipe de chercheurs, des échantillons ont été prélevés sur ces roches mises au jour par les séismes. Ils sont analysés à Aix en Provence, au CEREGE. Au Centre de Recherche et d'Enseignement en Géosciences de l'Environnement, on essaie de savoir depuis combien de temps une portion de roche s'est retrouvée exposée à la surface par un séisme.

Vincent Godard :
Nous ce qui nous intéresse, c'est de mesurer certains éléments, donc très très rares comme le chlore 36, et ce chlore 36, il est produit par l'interaction entre les éléments qui constituent cette roche et les rayons cosmiques à très haute énergie, qui traversent donc l'atmosphère et qui produisent en permanence dans les roches de surface, donc ces nucléides cosmogéniques. Et le principe ensuite, c'est donc de mesurer cette abondance en nucléides cosmogéniques et en chlore 36. Cette abondance va nous permettre d'estimer combien de temps la roche a passé à la surface.

Commentaire voix-off :
Retour en Italie. Maureen Linarès écrit justement une thèse en paléosismologie sur la faille de Roccapreturo. C'est elle qui modélise les données du chlore 36 pour élaborer de solides scénarios et mieux comprendre ce paysage façonné par les séismes.

Maureen Linarès :
Alors il faut imaginer qu'il y a 10 000 ans, cet escarpement n'était pas visible. En fait, le haut de l'escarpement était au niveau du sol. Or là, on ne peut pas le voir à l'oeil nu, sur, sur le, sur l'escarpement. Mais le chlore 36 nous permet de déduire qu'il y a eu au moins trois séismes : en premier, le plus vieux, il y a 7000 ans, qui a exhumé à peu près deux mètres en partant du haut de l'escarpement, un second, il y a 3500 ans, qui a exhumé à peu près quatre mètres, et le dernier film, il y a 2000 ans, qui a exhumé ce qui reste de l'escarpement.

Commentaire voix-off :
À quelques mètres de là, le creusement de la tranchée commencée la veille a bien avancé. Magali et Stéphane posent à présent des repères pour effectuer des prélèvements.

Un scientifique :
Moi, je vois un niveau un peu plus beige avec des, avec des morceaux de calcaire dedans.

Magali Riesner :
Dans la tranchée, on va dater des sédiments en cherchant des charbons pour pouvoir les dater au carbone 14. Donc, tout au long de leur vie, les plantes et les arbres vont absorber du carbone 14 et au moment de la mort de ces arbres, le carbone 14 va commencer à décroître. Et donc la datation au carbone 14 permet d'avoir l'âge de la mort de l'arbre et donc des charbons détritiques qu'on peut trouver à l'intérieur de la tranchée. Et on peut remonter comme ça sur plusieurs dizaines de milliers d'années.

Commentaire voix-off :
Les résultats des analyses confirmeront peut-être bientôt ceux du chlore 36 réalisés sur l'escarpement. Les chercheurs n'oublient jamais la dimension humaine du projet : faire comprendre à la population que le paysage qui les entoure est construit par les séismes. Mieux informés, les habitants de ces zones à risques pourront construire pour se protéger plus efficacement. Avec ces séismes meurtriers depuis 1980, l'Italie est l'un des pays les plus exposés en Europe.

Réalisateur(s)

Isabelle ROS

Auteur(s)

Rédacteur(s) en chef

Délégation(s)

Thématiques scientifiques

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