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© CNRS - 2022
Numéro de notice
7379
Fake news : qu'est-ce qui trompe notre cerveau ?
Grâce à des expériences en IRM, des scientifiques explorent notre manière de raisonner. Dans ce film, découvrez comment leur travail pourrait aboutir à de nouveaux outils pédagogiques pour apprendre à discerner les vraies des fausses informations.
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Son
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Transcription
Commentaire voix-off :
« Vous avez envie de faire avancer la recherche et de voir ce qu'il se passe dans votre cerveau ? » Cette petite annonce a été postée par le laboratoire du LaPsyDE. Situé à la Sorbonne, il regroupe des chercheurs en psychologie du développement et des experts des neurosciences cognitives. Objectif : analyser notre manière d'apprendre et de raisonner. Première nouvelle : nous ne sommes pas toujours très rationnels.
Grégoire BORST – professeur de psychologie du développement
Si on prend un exemple typiquement dans le cadre des pandémies : si on dit que le traitement A va permettre sur 600 personnes d'en sauver 200 et qu'on vous dit, par ailleurs, à un autre groupe d'individus que le traitement A va entraîner la mort de 400 personnes, les gens vont plutôt accepter le traitement A quand il est formulé en termes de gain, de nombre de vies sauvées, que s'il est formulé en termes de pertes, c'est-à-dire en nombre de morts. On est toutes et tous, dans un certain nombre de contextes, biaisés par ces automatismes de pensée. Et donc tout l'enjeu, finalement, c'est d'avoir la capacité, à un moment donné, de résister pour réengager notre système analytique et délibératif.
Commentaire voix-off :
Comment ça marche ? Face à un problème, nous engageons d'emblée notre pensée intuitive qui est rapide, instinctive et émotionnelle. Nous faisons ensuite appel à notre pensée délibérative qui est plus lente, plus réfléchie et plus logique. Et c'est elle qui nous aiderait à résoudre le problème. C'est en tout cas ce qu'on croyait. Mais le chercheur Wim De Neys a une autre théorie.
Wim DE NEYS – chercheur en neurosciences cognitives
Il est peut-être possible qu'il y a certains gens qui vont évoquer de façon intuitive la bonne réponse. Pour eux, réfléchir n'est pas dur. C'est hyper facile parce qu'ils ne doivent pas inhiber une première réponse incorrecte, non. La première réponse qu'il faut donner, c'est déjà la bonne réponse.
Commentaire voix-off :
Direction l'hôpital Sainte-Anne. Ici, une plateforme de recherche IRM a été installée pour l'étude en cours du LaPsyDE.
Anna FAYOLLE – manipulatrice IRM
Le plus important, c'est qu'on ne bouge pas à partir du moment où je vous ai installé d'accord.
Commentaire voix-off :
Une trentaine de participants ont déjà passé les tests de ce projet baptisé Diagnor.
Mathieu RAOELISON – post-doctorant projet Diagnor
Comme on cherche à étudier l'intuition dès que vous voyez le problème, vous avez déjà une idée en tête…
Commentaire voix-off :
Recrutés via un questionnaire sur Internet, ils s'entraînent rapidement sur ordinateur.
Avant d'être installés dans la machine.
Pendant près d'une heure. Ils devront répondre à des problèmes de raisonnement simple en apparence.
Anna FAYOLLE – manipulatrice IRM
Et puis, ne bougez pas la tête, voilà. Voilà, on y va, c'est parti!
Mathieu RAOELISON – post-doctorant projet Diagnor
Sur cet écran, en fait, on voit ce que le participant regarde aussi. Et là, on peut observer le temps qu'il met pour lire les problèmes, pour répondre et le bouton sur lequel il a appuyé, ce qui nous donne le type de réponse qu'il a donné. Pour les essais rapides, le problème est présenté pendant cinq secondes maximum. Et pour les essais lents, c'est présenté pendant 20 secondes maximum.
Commentaire voix-off :
Voici, par exemple ce qui s'affiche dans l'IRM : « Sans réfléchir, donner la réponse qui vous vient à l'esprit : Vous participez à une course. Si vous doublez le deuxième, à quelle place êtes-vous ? » Alors ? si vous avez dit la première place, votre réponse intuitive est fausse. La bonne réponse est la deuxième place. Il y avait quelqu'un devant le deuxième, qui est maintenant toujours devant vous. Mais rassurez-vous, même les chercheurs tombent dans le piège !
Wim DE NEYS – chercheur en neurosciences cognitives
Non ! Pour tous les problèmes classiques, moi je connais, ma première réponse était la réponse incorrecte. La grande majorité des sujets se trompent. La plupart des gens, même s'ils peuvent réfléchir, s'ils peuvent prendre le temps pour bien raisonner, ils donnent quand même la réponse incorrecte. En général, disons qu'on a 20 % des sujets qui vont donner la bonne réponse. Et c'est sur ces 20 % qu'on trouve que la majorité donne déjà la bonne réponse de façon automatique.
Commentaire voix-off :
Incroyable ! Certains d'entre nous arriveraient donc à activer un processus de logique intuitive très rapide. Mais comment font-ils ?
Wim DE NEYS – chercheur en neurosciences cognitives
Les gens qui donnent de bonnes réponses de façon intuitive, ce sont des gens avec des Q.I. plus élevés. C'est exactement ça, le Q.I. plus élevé, qui te permet d'automatiser plus vite, de façon plus profonde.
Commentaire voix-off :
Alors, quelles sont les bases cérébrales de ce super-pouvoir ? Le cortex préfrontal qui accède aux mécanismes de résistance aux automatismes ? Le cortex cingulaire antérieur, qui détecte les erreurs et les conflits ? Ou d'autres zones du cerveau ? La modélisation des résultats prendra plusieurs mois.
Marine LEMAIRE - Doctorante
Et du coup, on va faire la suite des exercices ensemble. Il vous reste trois tâches à faire.
Commentaire voix-off :
Pour la dernière étape de l'expérience, le participant doit évaluer 18 informations à partir d'un titre et d'une photo. Mais attention aux fake-news ! Car oui, notre raisonnement logique pourrait nous aider à discerner les vraies, des fausses actualités. C'est en tout cas la conclusion d'une étude américaine que Grégoire BORST et son équipe veulent confirmer. Et il devient urgent de réagir !
Grégoire BORST – professeur de psychologie du développement
Ce phénomène des fake news c'est absolument pas un phénomène nouveau. Il y avait des rumeurs, il y a eu de la manipulation de l'information à toutes les époques. La grande différence aujourd'hui, c'est que étant donné les nouveaux outils technologiques qui ont été développés, cette information, elle se diffuse plus rapidement et donc elle peut avoir des impacts beaucoup plus fort parce qu'elle va toucher plus de monde. Il y a un très petit nombre de fausses informations qui sont massivement diffusées, mais on voit bien qu'il en suffit d'une, d'une certaine manière pour que ça pose un vrai souci de façon globale pour nos sociétés.
Commentaire voix-off :
Les plus exposés aux fausses informations sont justement les adolescents. Accros à YouTube, ils ont un smartphone dès l'âge de neuf ans en moyenne. Le laboratoire, qui a déjà créé du matériel pédagogique pour les enfants, travaille sur un nouveau projet en collaboration avec Ipsos et l'éditeur scolaire Nathan. Le but : apprendre à développer une compétence anti-fake-news.
Grégoire BORST – professeur de psychologie du développement 6' 22''
Tout l'enjeu des recherches qu'on mène ici, c'est effectivement de ne pas simplement rester sur les fondamentaux (lire, écrire, compter). Mais aussi de se poser la question de savoir comment on enseigne le raisonnement. On va suivre des élèves à partir de la sixième jusqu'à la terminale et chacun de ses élèves, on va le suivre pendant plus de deux ans pour finalement armer les cerveaux des adolescents à pouvoir résister à ces fausses informations et devenir finalement des citoyens qui sont capables de libre arbitre et de penser par eux-mêmes et parfois même contre eux-mêmes.
Commentaire voix-off :
Malgré nos capacités uniques de raisonnement, notre jugement est souvent biaisé et c'est dangereux. L'Organisation Mondiale de la Santé a introduit le terme « Infodémie » en 2020, classant les fausses informations comme un réel danger pour la santé.