Stress social et santé animale

Transcription

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00 :02 Haaaa, les bienfaits de la vie en société ! C'est indéniable, vivre en groupe procure de nombreux avantages. Qu'il s'agisse de rechercher des parasites, bâtir des édifices, rechercher sa nourriture, ou encore échapper aux prédateurs. Mais la vie en communauté est-elle toujours bénéfique aux membres d'un groupe ? Peut-être que cet écureuil terrestre canadien devrait aussi s'inquiéter de ses propres congénères. Chez le spermophile du Columbia, ainsi nommé car particulièrement friand de graines, chacun tente de tirer son épingle du jeu pendant la courte saison de reproduction : Les femelles ne sont fertiles qu'un seul jour dans l'année. Un climat social propice à de nombreuses altercations.
00 :55 Une équipe de recherche internationale tente de comprendre la complexité des relations sociales chez ce petit mammifère des rocheuses canadiennes. Cette espèce est étudiée depuis 27 ans sur cette prairie du parc provincial de Sheep river, en Alberta.
ITV Vincent VIBLANC Biologiste
01 :11 Ce qui est assez exceptionnel avec ce suivi à long terme de ces spermophiles, c'est qu'on a une connaissance très fine de la vie de chaque individu depuis sa naissance jusqu'à sa mort, et donc on est capables de voir comment il progresse socialement tout au long de sa vie…
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01 :21 Grâce au suivi à long terme de spermophiles bagués, Vincent et ses collègues disposent d'une mine d'informations sur l'histoire de chaque individu : âge, nombre de jeunes élevés chaque année, mais aussi liens de parenté. Au fil du temps, les chercheurs ont découvert que certains spermophiles se reproduisent moins bien que d'autres. Ils supposent que les différences observées pourraient être entre autres liées à leur environnement social, et du stress qui en découle. Pour tester cette hypothèse, l'équipe de Vincent doit tout d'abord bien comprendre l'organisation du groupe, parmi les 70 membres que compte la communauté de rongeurs.
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02 :00 Nous sommes trois observateurs répartis sur trois plateformes d'observation différentes qui couvrent la zone d'étude. Dés que l'on voit une interaction sociale entre deux individus, qu'elle soit agressive ou amicale, on va pouvoir la relever….

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02 :15 L'identification à distance des individus est permise grâce à un symbole unique peint sur le dos de l'animal. Tout au long de la saison, les scientifiques enregistrent les données comportementales et leur localisation sur la prairie. L'ensemble de ces informations va permettre de cartographier l'organisation sociale de toute la colonie.

ITV 3
02 :33 Le but de ce relevé comportemental c'est de pouvoir le corréler à des mesures physiologiques que l'on va effectuer chez les individus…

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02 :41 Le niveau de stress quant à lui est mesuré chez chaque écureuil grâce à des prélèvements biologiques. La capture des spermophiles repose sur un appât irrésistible : le beurre de cacahuète.
03 :10 La gourmandise de cet individu le conduit comme chaque année dans les mains de Vincent pour une courte manipulation. Des prélèvements de sang et de fécès permettront d'évaluer les taux d'hormones de stress présents dans ces tissus biologiques. Les scientifiques prélèvent également de l'ADN à partir de frottis buccal. Les cellules collectées seront analysées pour estimer le vieillissement cellulaire, potentiellement induit par le contexte social.
03 :35 Quelques mois plus tard, les données collectées au Canada sont à présent en cours d'analyse à l'institut pluridisciplinaire Hubert Curien de Strasbourg. Les informations comportementales peuvent à présent être représentées sous la forme d'une toile sociale qui offre déjà plusieurs angles de lecture.
ITV Sébastien SOSA Ethologue
03 :55 Donc là on a l'ensemble des individus de la colonie qui sont représentés, en rouges les mâles et en bleu les femelles. Maintenant ce qu'on voit, c'est l'ensemble des interactions agressives entre les individus qui se mettent en place au cours de la saison.
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04 :09 Cette représentation permet de comparer les individus au sein du réseau social en visualisant le nombre d'agresseurs et d'agressés. Le lien entre le positionnement social de chaque écureuil et son niveau de stress va pouvoir à présent être révélé par diverses analyses de laboratoire à partir des échantillons biologiques.
ITV Mathilde LEJEUNE Biochimiste
04 :36 Je suis en train de doser les défenses anti-oxydantes dans les échantillons de spermophiles. Donc pour ça, je vais utiliser une plaque ici, ou je vais pouvoir déposer les échantillons et ensuite, je vais ajouter un réactif qui va produire un substrat qui est coloré, et donc en fonction de la couleur que je vais obtenir, ça va traduire le taux de défense anti-oxydante.
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04 :56 L'analyse de ces échantillons au spectro-photomètre révèle par la mesure de l'absorbance lumineuse le niveau de stress pour chaque individu. Les chercheurs ont montré que les spermophiles sans entourage familial subissent plus d'agressions que les autres et endurent un niveau de stress plus élevé. De plus, ces individus élèvent des portées de taille plus réduite. A l'inverse, les spermophiles entourés de proches parents bénéficient d'un climat social moins agressif, leur donnant la possibilité de se consacrer davantage à leurs petits et donc de favoriser de plus grandes portées. Mais tout n'est pas si simple. Les chercheurs montrent également qu'au-delà d'un certain nombre d'individus au sein d'une cellule familiale, les niveaux de stress peuvent augmenter à nouveau. Ces résultats suggèrent que des relations de dominance entre apparentés peuvent générer du stress et contrebalancer l'effet bénéfique de l'entourage familial. Mais les questionnements de Vincent ne se limitent pas à étudier les effets du stress social chez les spermophiles adultes.


ITV Vincent VIBLANC
05 :55 Ce qui va nous intéresser, c'est d'essayer de comprendre comment le stress peut être transmis à la génération suivante, et donc comment l'environnement social qui est ressenti par les parents va influencer de manière positive ou négative le développement de leurs jeunes.

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06 :07 Ces recherches qui mêlent démographie, comportement animal et physiologie sont encore loin d'avoir livré tous leurs secrets. Mais il est déja clair que les spermophiles du Canada ne sont pas les seuls affectés par leur entourage. Ces études pourraient permettre de mieux comprendre les effets du stress social chez d'autres espèces animales, voire d'éclairer certaines réalités sur nos sociétés humaines.