© CNRS - 2019
Numéro de notice
6715
Vivre et mourir en Champagne il y a 5000 ans
Des chercheurs de différentes disciplines étudient la période néolithique dans la région des Marais de Saint-Gond (Marne). Ce secteur comporte la plus forte concentration d'hypogées en France. Près d'une centaine d'hypogées y furent découverts à la fin du XIXe siècle par le baron Joseph de Baye. Cette forte densité de sites néolithiques s'explique en partie par la présence de silex en abondance. De nombreuses minières de silex témoignent de son exploitation.
Depuis 2013, une équipe pluridisciplinaire fouille à nouveau le site de "La Crayère" à Vert-la-Gravelle, et réétudie les découvertes anciennes. L'objectif est de reconstituer l'histoire de ce site archéologique et plus largement celle de ce territoire au cours du Néolithique, entre 5000 et 2000 ans avant notre ère.
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Transcription
Vivre et mourir en Champagne il y a 5000 ans
01:00:21:00 (Voix off) Dans l'Est de la France, près d'Epernay en Champagne, la présence de silex de grande qualité, la diversité des ressources provenant des marais et des terres agricoles ont attiré de nombreuses populations depuis la Préhistoire.
01:00:37:00 De nombreux vestiges archéologiques de cette région appartiennent à la période comprise entre 6000 et 2000 ans avant Jésus-Christ : le Néolithique.
01:00:47:00 Ce territoire compte de nombreuses minières de silex et des sépultures collectives, creusées dans la craie, qu'on appelle des hypogées.
01:01:09:00 La majorité de ces hypogées a malheureusement été fouillée et vidée à la fin du XIXe siècle, mais les objets archéologiques et les ossements humains exhumés constituent des collections aujourd'hui réparties dans différents musées.
01:01:26:00 Ces collections demandent à être étudiées, analysées et replacées dans leur contexte d'origine.
01:01:49:00 « Vivre et mourir en Champagne il y a 5000 ans »
01:01:58:00 Un film de Claude Delhaye
01:02:03:00 Au Paléolithique, les Hommes sont chasseurs cueilleurs et nomades. A partir de 6000 ans avant Jésus-Christ les sociétés changent de mode de vie et de fonctionnement économique. Les populations se sédentarisent, créent des villages, développent l'agriculture et l'élevage. Ce mode de vie perdurera jusqu'à l'ère moderne.
01:02:25:00 (ITW Rémi Martineau) Au néolithique, il y a un peu plus de 5000 ans, les hommes étaient installés ici dans cette région, ils étaient déjà bien implantés. On le sait par les recherches qu'on a menées notamment sur l'occupation du territoire : en particulier sur les minières de silex qui sont extrêmement développées dans la région, également par les nécropoles d'hypogées qui sont très nombreux et puis par les sépultures collectives mégalithiques qu'on connaît aussi dans cette région ; et dans tous les champs cultivés on retrouve du silex taillé.
01:02:58 :00 (ITW Rémi Martineau) Il est certain que l'exploitation du silex intensive dans ces minières laisse supposer la présence d'une population nombreuse. La question reste de savoir : Est-ce que cette population venait exploiter temporairement ce silex ou bien est-ce qu'elle habitait réellement de façon durable, permanente dans cette région, pour exploiter cette matière première ?
01:03:27:00 Cette région de la Marne abrite la plus forte concentration d'hypogées en France.
01:03:54:00 Après 140 ans d'abandon, le site de « La Crayère » à Vert-la-Gravelle est à nouveau exploré.
01:04:04:00 Ce site comprend une minière de silex dans laquelle ont été creusés quatre hypogées.
01:04:19:00 (ITW Rémi Martineau) L'objectif est d'essayer de tirer le maximum d'informations de ces découvertes anciennes et de les mettre en lien avec les fouilles plus récentes. D'essayer de reconstituer les différents éléments du puzzle. Reconstituer l'histoire en l'occurrence de ce site archéologique, et plus largement de ce territoire, de cette région des marais de Saint-Gond.
01:04:51:00 (ITW Rémi Martineau) On est sur un site qui est tout à fait particulier. C'est un site néolithique qui date de 4300 jusqu'à 3000 avant notre ère, et ce site il est organisé en plusieurs parties qui se succèdent les unes après les autres le long d'un banc de silex.
01:05:07:00 Au premier plan ici une structure qui est une minière de silex à ciel ouvert derrière des puits d'extraction de silex. Puis au fond, une nécropole d'hypogées, des sépultures collectives creusées dans la craie, et comme ces sépultures sont excavées on les appelle donc des hypogées.
01:05:36:00 Les quatre hypogées du site de La Crayère sont de petites dimensions, pas plus de dix mètres carrés au sol, creusés dans la craie par des haches en silex et des pics en bois de cerf ; outils de ces hommes dont on peut lire encore les traces sur les parois.
01:06:13:00 (ITW Rémi Martineau) Donc ici on est devant un affleurement de silex qui est présent dans la craie, tel que les néolithiques l'ont vu il y a plusieurs milliers d'années. Ici des blocs très conséquents, parfois des plus petits blocs, des nodules qui se taillent extrêmement bien. C'est comme ça que les néolithiques ont pu détecter la présence du silex à partir d'affleurements sur des pentes très fortes comme celles-ci. Une fois qu'ils avaient exploité ces affleurements et qu'ils n'avaient plus de silex sur place, ils faisaient tout simplement la chose suivante : ils pouvaient remonter en direction de la colline, creuser des puits ou des tranchées ou bien des simples fosses et à nouveau accéder à cet affleurement qui est à 50 centimètres, un mètre ou deux mètres de profondeur… Et c'est comme ça qu'ils ont exploité le silex sur le site de « La Crayère ».
01:07:19:00 (ITW Pierre Allard) Comment on choisit un bon silex ? C'est déjà une question de volume… Il est évident que des rognons tortueux comme celui-là avec des excroissances partout, sont plus compliqués à gérer puisque les opérations de taille qui vont viser à mettre le bloc en forme pour faire une hache ou des grands éclats de silex etc… vont enlever finalement beaucoup de matière et en garder assez peu. Donc celui-là qui est un assez beau bloc, il est grand… est finalement pas si favorable que ça puisqu'il est tout biscornu. 01:07:47:00 Et après l'autre chose très importante c'est de savoir si le bloc est de bonne qualité ou pas et ça il y a un moyen très simple de le tester c'est de voir quel bruit il fait. Le test est de prendre un percuteur, bon là c'est un marteau métallique et on écoute… Vous entendez, ça fait un bruit très bizarre ! 01:08:06:00 Là on peut savoir que le bloc, lui, est déjà faillé, il est pas bon. En fait si je tape fort dessus il va éclater. Par contre si je prends ce bloc, beaucoup plus régulier et si je tape dessus… Voilà, lui offre un son très métallique et là je suis sûr que ce silex n'est pas faillé, ne présente pas de défaut. Il est donc d'excellente qualité.
01:08:32:00 (ITW Rémi Martineau) Ici on est sur la partie qui a été exploitée par les néolithiques où là ils sont venus extraire le banc de silex qui était directement posé sur la craie. On voit très bien ces parties à différents niveaux de creusement avec des parties beaucoup plus en creux où il y avait des nodules de silex. On est là sur une tranchée à ciel ouvert où le silex a été extrait en totalité. Il ne reste plus un seul bloc. Et au fur et à mesure que les gens avançaient pour exploiter, ils rebouchaient la partie qu'ils avaient précédemment creusée.
01:09:10:00 Pour extraire les blocs de silex, les hommes utilisaient des outils en bois de cerf. Grâce à leur long séjour dans la craie, de nombreux restes de ces outils ont été retrouvés en place, dans un état de conservation exceptionnel.
01:09:33:00 (Rémi Martineau & 2 étudiants) Ça ce sont des outils de type pic, qui sont quasiment complets en fait et très peu abimés. Alors celui-là qui est extraordinaire, il était posé comme ça, encore quasiment en position de travail, donc là on imagine bien qu'il s'agit plutôt d'un pic d'extraction, de creusement et d'extraction des blocs. Celui-là est certainement aussi un pic, qui a pu servir à la fois de pic mais peut-être aussi de levier, plutôt pour déchausser les blocs comme ça sur le côté. On peut imaginer aussi qu'il a servi de pic pour creuser la craie avant pour dégager les blocs. On voit bien qu'ils ont servi puisque là on a des usures très nettes…
(Etudiante) Des parties lissées en fait de l'extrémité…
01:10:18:00 (RM) A un moment donné dans les études, on va devoir absolument passer par une phase expérimentale. C'est à dire qu'on va devoir refaire ce type d'objet, ce type d'outil, et les utiliser pour essayer de reproduire ces traces d'usure, ces surfaces d'usure et avoir des éléments de comparaison.
01:10:36:00 (Etudiant off) Pour créer un panel de comparaison entre tous les…
(RM) C'est ça ! Un référentiel. On va en avoir absolument besoin, sur le bois de cerf ça va être essentiel.
01:10:45:00 (RM) Visiblement ils arrivaient avec les ramures complètes, ils débitaient les différents morceaux. Il y avait des déchets importants. Avec ce qu'ils récupéraient ils retravaillaient encore, ils redébitaient et ils fabriquaient un outil, un pic, un levier, qui correspondait à leurs attentes.
01:11:03:00 (RM) Et c'est aussi pour ça que je soupçonne qu'il y a un groupe, qu'il n'y a pas que trois ou quatre personnes qui viennent exploiter. Parce qu'il faut des gens qui ramassent le bois de cerf, des gens qui les apportent -ça peut-être les mêmes- des gens qui fabriquent, des gens qui extraient, des gens qui débitent le silex… et tout ça ça fait beaucoup d'activités pour quelques personnes.
01:11:39:00 (ITW Françoise Bostyn) Les hommes du néolithique ont dès le départ, au moment de l'extraction, fait un tri : trier les blocs qui étaient de bonne qualité, ceux qui n'étaient pas de bonne qualité, tester sur place. Et puis après il y a le choix de ce qui est emporté sur les habitats et un choix de ce qui est débité sur place pour produire des supports pour les outils.
01:12:07:00 Globalement par rapport à la quantité de matière première qui a pu être extraite, il y a eu très peu de débitage sur place. Parce que compte tenu de la morphologie du site et de la pente qui est assez forte, il est clair que ça n'était pas un espace accueillant pour s'installer pour tailler le silex.
01:12:38:00 (Etudiants mesurent silex) 20… 12… 9.
01:12:51:00 (ITW Pierre Allard) Ce silex a été très utilisé et a fait l'objet de circulation à longue distance puisqu'on en retrouve en Loraine, en Alsace, jusqu'en Allemagne. Donc sur plus de 300, 350 kilomètres à peu près. Mais effectivement dans la région il y a d'autres variétés de silex et c'est tout l'intérêt pour nous préhistoriens, c'est d'essayer de les déterminer de manière la plus objective possible afin ensuite de savoir quel était le territoire d'approvisionnement des populations anciennes et surtout, autre phénomène important, d'essayer de déterminer quels sont les types de silex qui sont mis en échange, en circulation, que ce soit à courte ou longue distance.
01:13:49:00 (ITW Marie Imbeaux) Je regarde à la loupe binoculaire les silex pour en définir le faciès sédimentaire, c'est à dire dans quel environnement ils se sont formés à l'époque du crétacé, il y a 70 millions d'années à peu près. En fait j'observe les espèces fossiles, surtout dans quel état ils sont et à quelles autres espèces ils sont associés. Et en déterminant ces faciès on peut dire d'où proviennent les silex dans la région des marais de Saint-Gond ou même ailleurs en France.
01:14:25:00 En complément des caractérisations sédimentaires du silex, une analyse géochimique est parfois nécessaire afin de préciser la carte d'identité chimique des échantillons et distinguer certaines minières entre elles.
01:14:43:00 (ITW Benoît Caron) On s'intéresse pas aux éléments majeurs comme la silice mais on va s'intéresser plus aux éléments mineurs, traces, comme les métaux de transition : fer, cuivre ou d'autres éléments comme les terres rares. A partir de là on va pouvoir distinguer des différences infimes entre différentes carrières, ce qui va pouvoir nous permettre de mieux identifier l'origine de certains objets. Et puis après essayer de voir si ces objets ont pu être transportés, échangés par les différents hommes de cette époque-là et essayer de reconstituer un cadre de fonctionnement.
01:15:34:00 (ITW Rémi Martineau) Le site de Vert-la-Gravelle de la Crayère, on en a fouillé une toute petite partie. Il se situe au milieu d'une immense minière, probablement de plusieurs hectares, et ça n'est qu'une minière parmi au moins une vingtaine de minières répertoriées actuellement dans les marais de Saint-Gond.
01:15:59:00 Toute la problématique est de savoir si effectivement les gens habitaient immédiatement à côté de leur lieu de travail, de leur lieu d'extraction et des lieux où ils inhumaient leurs morts ; ou bien si au contraire, ils habitaient dans des zones un petit peu à l'extérieur, un peu séparées. Et du coup ça nous permettrait de comprendre quel était l'organisation du territoire à l'époque.
01:16:39:00 Des prospections archéologiques ont permis de repérer une zone d'habitat à quelques kilomètres de là.
01:16:48:00 Le décapage d'une surface de 1600 m2 au milieu d'un champ de blé a permis de mettre au jour des bâtiments du début du Néolithique, datés de 5000 ans avant Jésus-Christ.
01:17:01:00 Les archéologues repèrent très vite des traces de couleurs différentes qui correspondent à des anciennes fondations de maison, ou à des fosses.
01:17:12:00 Le plan d'une maison apparaît, au final quatre maisons sont ainsi repérées.
01:17:20:00 (Discussion Antony Denaire/Pierre-Emmanuel Lenfant)
(AD) Bon c'est un joli trou de poteau hein ? Et la tache plus sombre on est d'accord c'est le négatif, le poteau.
(PEL) Bien marqué quand même.
(AD) Ouai, 40 centimètres de diamètre… de large. Belle pièce !
(PEL) Ça se dessine bien.
01:17:36:00 (AD) Allez, c'est parti ! Allez, la suite… On va voir s'il y a d'autres trous de poteaux.
01:17:42:00 (ITW Antony Denaire) On peut estimer que ces poteaux sont enfoncés d'à peu près 1 mètre, 1 mètre 10 -peut-être un tout petit peu plus- de profondeur, par rapport au niveau de circulation de l'époque. Nous ça veut dire qu'on ne fouille que la base de ces poteaux. Il nous manque énormément de sol. Le sol de l'époque a été complètement érodé, a disparu, est descendu en fait en bas des coteaux, dans le marais de Saint-Gond.
01:18:03:00 Le long des maisons, de grandes fosses servaient à stocker des céréales ou de l'eau, puis étaient réutilisées comme dépotoirs. Dans l'une d'elle, on a trouvé des couches de cendres correspondant à des rejets de foyers.
01:18:14:00 (Rémi Martineau & étudiantes) Là on voit hyper bien les couches, on voit très bien les niveaux de cendres avec les dépôts qui sont des rejets en fait de foyers, qui sont rejetés dans la fosse, et on voit très bien le plaquage sur le fond avec deux niveaux successifs.
01:18:34:00 Des prélèvements de charbons de bois permettront de dater précisément l'occupation de ce site.
01:18:43:00 (Discussion Anthony Denaire/Rémi Martineau)
(AD) 1, 2, 3, 4… 4 ½. 1, 2, 3, 4… ½. 1, 2… On a la paroi avant.
(RM) Pas mal.
(AD) Des trous de poteaux : 1, 2, 3, 4… qui se prolongent jusque là bas.
01:18:59:00
(RM) Donc là on a toute la maison en fait. On a la façade…
(AD) On a la façade oui, ça serait complet.
01:19:05:00 (ITW Rémi Martineau)
Les sondages ont permis de mettre en évidence un site d'habitats du tout début du néolithique, donc finalement antérieure, plus ancien de 2000 ans de cette période des hypogées, des sépultures collectives.
01:19:20:00 Ce sont des maisons très longues, d'une trentaine de mètres de long, de forme trapézoïdale à deux pans pour le toit, qui devait descendre très bas pour protéger les murs en torchis.
01:19:40:00 C'est le premier habitat de cette période découvert dans la région. L'objectif sera d'en trouver d'autres, contemporains des hypogées.
01:20:19:00 Si le site de « La Crayère » avec sa minière de silex et ses hypogées est maintenant le terrain d'étude de Rémi Martineau, le site a déjà fait parlé de lui au XIXe siècle. Cet abri de bûcherons est le point de départ de cette aventure qui a commencé vers 1870.
01:20:38:00 (ITW Rémi Martineau) Vers le milieu du XIXème siècle, des bûcherons sont venus réoccuper un abri précédemment utilisé, qui est en fait un ancien hypogée. Ces bûcherons ont voulu agrandir l'abri qui est ici. En agrandissant cet abri ils ont fait effondrer une paroi et ils ont découvert une chambre funéraire, une chambre d'hypogée. Au moment de cette découverte, ils ont bien entendu pu observer les squelettes en place, le mobilier, mais évidemment ils n'ont pas pu comprendre de quoi il s'agissait.
01:21:12:00 Peu de temps après, en 1873, le baron Joseph de Baye, grand voyageur, érudit, passionné d'histoire et d'archéologie, entend parler de cette découverte et envoie ses ouvriers fouiller ce site.
01:21:27:00 (ITW Rémi Martineau) Malheureusement, il n'y aura pas de fouille très méticuleuse à l'époque. Ensuite le site va tomber peu à peu dans l'oubli, et c'est en juin 2012 qu'on va retrouver ce site au milieu d'une forêt très dense grâce à l'aide de la population locale, et c'est à ce moment qu'on a pu retrouver cette chambre funéraire qui nous a amené à reprendre la fouille de l'ensemble du site, à la fois des hypogées déjà fouillés mais aussi des couloirs qui restaient à fouiller, et de toute la partie de la minière qui se trouve à la fois devant et en dessous de ces hypogées.
01:22:07:00 Avant la fouille du site de « La Crayère », le baron de Baye avait déjà découvert et vidé une centaine d'hypogées sur la rive nord des Marais de Saint-Gond. Il constitue ainsi une importante collection qu'il place dans son château, à proximité des sites archéologiques.
01:22:24:00 (ITW Jean-Jacques Charpy) La collection du baron de Baye était donc installée au premier étage dans son musée. La collection a été vue par toute une série de sommités européennes de l'archéologie de l'époque et par le tout public. C'est à dire que les gens des environs venaient au château, s'adressaient à la concierge et elle faisait visiter les collections ; ceci jusqu'en 1906, quand les collections ont déménagé.
01:22:56:00 Des désaccords avec la communauté scientifique de l'époque au sujet de ses fouilles et de ses interprétations le conduisent à s'expatrier en Russie.
01:23:06:00 Il fait don de sa collection à deux musées nationaux. La plus grande partie se trouve au Musée d'Archéologie National de Saint-Germain-en-Laye.
01:23:21:00 Malheureusement, la majorité des archives du baron concernant ses fouilles restent aujourd'hui introuvables. Mais sa collection est restée intacte et son contenu scientifique révèle ses premiers secrets.
01:23:41:00 (ITW Rémi Martineau) C'est ici que dans cette vitrine centrale et la vitrine qui est juste à côté, on a le mobilier d'une centaine d'hypogées fouillés par de Baye, qui est organisé en différentes parties dans ses vitrines : aussi bien des parties qui réunissent les lames de silex taillé que des haches polies ou des gaines en bois de cerf, ou encore des poinçons en os, et puis on a d'autres parties de ces vitrines qui présentent des ensembles archéologiques provenant de telle nécropole d'hypogée ou de tel autre site.
01:24:15:00 En dessous on a une présentation justement de deux squelettes qui proviennent d'un hypogée particulier, à Villevenard, qui étaient donc deux squelettes isolés, avec du mobilier archéologique qui est reconstitué dans cette salle de Baye.
01:24:35:00 S'il manque encore beaucoup d'archives, il existe un ouvrage de référence édité en 1880, où Joseph de Baye synthétise l'essentiel de ses recherches sur le Néolithique de la région des Marais de Saint-Gond.
01:24:48:00 (ITW Rémi Martineau) Il y a des parties essentielles sur des observations qu'il a faites dans telle ou telle hypogée, où il raconte qu'il a vu telle chose, observé telle association d'objets avec telle sépulture. Donc ça pour nous ce sont évidemment des témoignages absolument exceptionnels sur ses découvertes anciennes.
01:25:29:00 Le baron de Baye expédie également en envois successifs au musée de l'Homme, à Paris, les ossements humains correspondant à plusieurs centaines d'individus.
01:25:42:00 Chacun de ces envois est accompagné de courriers qui constituent de précieux témoignages écrits de sa main.
01:25:48:00 (Lettre du baron De Baye)
« Je fais expédier aujourd'hui trois caisses contenant des ossements néolithiques au Laboratoire d'anthropologie du Museum. Ces débris humains proviennent tous des grottes artificielles que j'ai fouillées à Courjeonnet. Plusieurs calottes crâniennes contenaient des petits ossements tels que phalanges, vertèbres etc… »
01:26:07:00 (ITW Aline Thomas) La difficulté c'est qu'on n'a plus du tout aucune connexion avec le terrain. On a des caisses remplies d'ossements dont on sait pas exactement d'où ils proviennent. En fait sur les centaines d'ossements qui proviennent de la collection de Baye, on sait qu'ils proviennent de la vallée du Petit Morin mais très rares sont ceux qui indiquent exactement de quel site ils viennent, de quelle commune, et aucun ne dit exactement de quel hypogée. 01:26:32:00 Donc c'est à dire qu'on va avoir quelques ossements comme ce crâne qui a été marqué de quelle commune il provient, donc ici Courjeonnet, on sait qu'à Courjeonnet le baron de Baye a visité une dizaine d'hypogées au minimum et on sait pas d'où provient ce crâne.
01:26:50:00 Il va y avoir à mon sens un travail de datation à réaliser parce qu'on a probablement du mélange dans ces ossements et peut-être que des analyses un peu plus poussées d'ADN etc… permettraient de resituer sur le plan biologique cette population, mais sur le plan funéraire on va de toute façon être assez limité pour faire parler ces ossements.
01:27:14:00 La façon d'appréhender une fouille a évolué depuis le XIXe siècle. À l'époque on s'intéressait essentiellement à collecter les objets, sans trop se soucier de leur contexte.
01:27:25:00 (ITW Philippe Chambon) Jusqu'à une fouille qui a eu lieu en 1960 : La fouille de l'hypogée II des Mournouards qui a été menée par un grand préhistorien de la deuxième moitié du XXème siècle qui s'appelle André Leroi-gourhan. 01:27:38:00 Et cette fouille a radicalement changé la donne. Elle a changé la donne à plusieurs niveaux, c'est à dire qu'elle a changé la donne au niveau de l'archéologie funéraire, on s'est intéressé à la manière finalement dont les populations anciennes s'occupaient de leurs morts, et puis plus largement encore avec cette fouille on a réellement compris que la fouille et l'étude d'un gisement archéologique ça consistait à raconter une histoire et non pas à récupérer des objets et des matériels… 01:28:05:00 A raconter une histoire qui est celle des hommes qui se sont installés là, depuis le moment où ils se sont installés jusqu'au moment où ils sont partis.
01:28:22:00 Avec le site des Mournouards, André Leroi-Gourhan définit les bases de la fouille archéologique moderne. Le relevé de fouille dessiné par son équipe en 1960 constitue un document exceptionnel. Il permet pour la première fois de reconstituer l'histoire et le fonctionnement d'une sépulture collective.
01:28:51:00 (ITW Rémi Martineau) On pénétrait dans la chambre funéraire par ici, et là on a le relevé de tous les squelettes en place, donc les ossements, l'organisation de ces ossements, c'est à dire est-ce-que les gens étaient en connexion anatomique, est-ce-que les ossements étaient dispersés, puisqu'on est dans une sépulture collective. Ici on a dénombré 79 individus hommes femmes et enfants et ces premiers individus ils vont être inhumés surtout le long des parois, en fait avec probablement la tête sur des petites banquettes surélevées de craie dans ces zones ici… là.
01:29:28:00 Et puis après on va commencer à inhumer d'autres individus et de plus en plus de corps qui vont se superposer notamment dans cette deuxième salle, cette deuxième chambre funéraire et on voit qu'ils sont en partie alignés dans le sens en fait du monument.
01:29:46:00 Encore après il y a d'autres inhumations qui vont venir se superposer ou en tout cas s'additionner dans cette sépulture et notamment dans les parties latérales de la première chambre funéraire, avec plutôt les femmes de ce côté là et plutôt les hommes et les enfants de ce côté.
01:30:05:00 Et pendant tout ce temps là le passage central va rester libre pour la circulation et c'est seulement à la fin, le dernier corps qui va être déposé ici est celui d'une femme, qui était enceinte, donc qu'on a retrouvée allongée sur le ventre avec un foetus.
01:30:20:00 Et alors évidemment pour toutes ces inhumations il y a eu des déplacements. Au fur et à mesure qu'on rentrait des corps on devait un petit peu pousser d'autres corps pour faire de la place ou bien les superposer et il y a eu donc forcément des mélanges qui sont à l'origine en fait, et qui montrent la complexité en fait de ce type de sépulture collective.
01:30:52:00 Des objets, comme les haches ou les herminettes placées aux pieds des parois de l'hypogée, constituent des dépôts collectifs.
01:31:03:00 D'autres objets sont associés à des individus, comme des parures, des paires de lames de silex ou encore des armatures de flèches de forme trapézoïdale.
01:31:15:00 Retrouvées groupées, elles montrent la présence de carquois qui étaient associés aussi bien à des hommes qu'à des femmes.
01:31:26:00 (ITW Rémi Martineau) On enmanchait au bout de la hampe ces pointes de flèches, à armatures tranchantes, donc au lieu d'être perçantes elles coupent, elles tranchent, notamment la peau, les viscères et elles sont donc plutôt efficaces, et ces armatures ont été produites en très très grande quantité dans cette région, par milliers d'exemplaires, on en a retrouvé des milliers d'exemplaires, donc probablement produites en un bien plus grand nombre encore 01:31:56:00 et il est vraisemblable qu'elles n'ont pas seulement été produites pour être utilisées par les producteurs mais également pour être diffusées, échangées plus largement. 01:32:10:00 Donc il s'agit peut-être d'une production un petit peu spécialisée dans cette région à cette époque, et qui aurait eu un réel intérêt sur le plan économique.
01:32:27:00 (ITW Fabien Langry-François) Le taux d'utilisation de ces armatures est quand même assez important dans les hypogées, donc on voit bien qu'on a affaire à des objets du quotidien et pas des pointes ostentatoires qui auraient pu être taillées pour la mise au tombeau. Et on a quand même fréquemment des cassures qui sont de très bons témoins d'impact, d'impact fort.
01:32:41:00 (Discussion Rémi Martineau/Fabien Langry-François)
(RM off) C'est la même chose pour les lames, elles ont servi, c'est la même chose pour les parures, elles ont été portées. Tous les objets qui sont dans ces sépultures sont des objets qui ont été utilisés, qui sont des anciens objets de vie quotidienne.
01:32:54:00 (FLF) Donc on a cette notion que l'individu part avec son… avec son outillage quotidien, il part avec tout ce dont il avait besoin dans le vivant, donc peut-être par extension -mais là c'est une très grosse hypothèse- qu'il en a besoin dans la mort.
01:33:09:00 (RM) C'est assez vraisemblable.
01:33:23:00 L'étude anthropologique des ossements permet de déterminer l'âge, le sexe, le nombre et les pathologies des individus inhumés.
01:33:33:00 Certaines découvertes intriguent les scientifiques.
01:33:40:00 (Discussion Germaine Depierre/Fabien Langry-François)
(FLF) Là on est aussi sur un éclat laminaire on va dire, c'est même pas vraiment une lame.
Après faudra voir à la radio ce qu'il y a à l'intérieur...
(GD) Il faut quand même que ce soit monté sur quelque chose pour qu'on puisse pénétrer l'individu, parce que je vois pas bien comment…
01:33:52:00 (ITW Germaine Depierre) Il faut imaginer lorsqu'on a cette pièce là, la vertèbre lombale, c'est une vertèbre qui va passer en dessous de la ceinture et il faut imaginer que cette lance elle a traversé les viscères pelviens -donc le ventre- avant de venir se ficher dans cette vertèbre.
Donc là on peut concevoir effectivement que l'individu n'ait pas survécu.
01:34:13:00 En revanche pour cet humérus, là on voit que la petite pointe de flèche, ou du moins le fragment de silex qui est rentré dans l'humérus, et bien ce fragment de silex a été engainé par de l'os, puisque l'os est quelque chose de vivant, quand on l'agresse il réagit et crée de l'os. Donc là il n'y a pas de probleme, l'individu a survécu, il a cicatrisé et il a continué à fonctionner. 01:34:35:00 Alors je dirais, la pointe de flèche c'est pas très grave pour le fonctionnement mais quand on voit la tête de son humérus, quand on voit la déformation de cette tête humérale, quand on voit la production osseuse néoformée… Cet individu souffrait d'une très sevère arthrose qui l'a handicapé probablement plus sur le long terme et sur le quotidien que n'a pu l'handicaper la petite pointe de flèche qui est ici.
01:35:03:00 (Mesures au Théodolite) Faut que je mette un faisceau laser.
01:35:09:00 Ok, merci, parfait.
01:35:13:00 (ITW Rémi Martineau) Le principe de la sépulture collective, notamment des hypogées, c'est d'avoir été utilisée à maintes reprises, successivement dans le temps, sans doute sur plusieurs années. 01:35:24:00 Entre chaque inhumation la porte est rebouchée par des matériaux périssables. Puis à un moment donné de l'utilisation de cette sépulture, la population décide de ne plus utiliser ce monument, de le condamner, et l'entrée est rebouchée par des pierres meulières massives, puis l'ensemble du couloir est totalement comblé de craie, de sédiments 01:35:49:00 et l'ensemble est totalement masqué, rebouché, pour être abandonné d'une certaine manière pour l'éternité, évidemment jusqu'à la redécouverte, jusqu'à la découverte par les archéologues.
01:36:09:00 La minière de silex et les hypogées étant étroitement imbriqués, leur datation est cruciale pour comprendre les phases d'occupation du site.
01:36:18:00 (ITW Rémi Martineau) Ici la tranchée de la minière est contigüe avec le couloir de l'hypogée dont le sol est à la même hauteur que cette tranchée. Et donc tout ça laisse penser que les deux structures -la minière et les hypogées- seraient contemporaines. 01:36:37:00 Mais, comme c'est pas forcément ce qui est connu et attendu aujourd'hui, il reste pour démontrer ça, à completer ces données par d'autres datations, d'autres analyses, notamment les datations des objets découverts dans la chambre funéraire, par joseph de Baye en 1873, 01:36:57:00 et tout ceci permettrait de confirmer si les chambres funéraires datent bien de cette période de 4000 avant notre ère ou bien sont bien postérieures, ce qui est plutôt attendu aujourd'hui.
01:37:21:00 (ITW Fabien Langry-François) Alors là on a donc un objet quand même très très particulier parce qu'on a une gaine de hache et sa hache, accrochés encore à une gangue de terre qui vient de l'hypogée, donc un vestige de sol archéologique, dans lequel on observe donc des ossements humains, donc tête de l'humérus et morceaux de clavicule, et la gaine de hache avec sa lame de hache qui montre que la gaine a été posée le long de l'épaule de l'individu. Voilà.
01:37:48:00 (ITW Rémi Martineau) Sur le site de la crayère, on a mis en évidence deux phases d'occupation : avec une minière datée entre 4300 et 3700 avant notre ère et des hypogées, la nécropole, datée entre 3500 et 3000 avant notre ère, et plus précisément certainement une nécropole qui a fonctionné autour de 3300 avant notre ère.
01:38:16:00 On a donc un écart assez important de près de mille ans entre ces deux occupations. C'est tout à fait unique, on n'a pas d'autre site comme celui là dans la région. Aucune autre nécropole d'hypogées ne réunit minière/hypogées imbriqués aussi étroitement. On a donc là un cas assez particulier de deux occupations distantes dans le temps.
01:38:59:00 Parmi les 170 hypogées répertoriés dans le département de la Marne, il existe à quelques kilomètres de Vert-la-Gravelle, une grande nécropole comprenant 37 hypogées.
01:39:12:00 Deux d'entre eux contiennent des sculptures exceptionnelles. Il s'agit de figurations humaines, certaines féminines, dont le rôle symbolique reste énigmatique.
01:39:35:00 À côté de ces figures, des sculptures de haches polies emmanchées représentent sans doute les outils qui ont servi à creuser les sépultures.
01:39:54:00 D'autres vestiges appartenant à ce patrimoine fragile, dorment toujours sous la terre… et restent encore à découvrir...
01:40:19:00 (Générique de fin)