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© CNRS - 2022

Numéro de notice

7537

Un fleuve dans le désert

Grand comme la Bretagne, le Delta de l'Okavango est l'un des rares deltas au monde qui ne se jette pas dans la mer : le fleuve meurt littéralement au milieu des terres. Pendant sa crue, qui dure plusieurs mois, cet écosystème abrite une biodiversité exceptionnelle, véritable paradis des oiseaux, éléphants, crocodiles, hippopotames et antilopes...
Venez découvrir avec une équipe de scientifiques botswanais et français les particularités géologiques, hydrologiques et climatiques de cette région atypique. Leurs missions est d'installer des stations GPS pour mesurer les déformations du sol, forer des carottages afin de prélever des échantillons d'eau et de sédiments jusqu'à 7 mètres de profondeur et relever des boitiers photos pour documenter les crues. L'enjeu est de comprendre la dynamique naturelle de la zone et son évolution dans le contexte du changement climatique global.

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00:09:13

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Commentaire voix-off :
C'est un paradis vierge de toute activité humaine. Girafes, éléphants, hippopotames. Bienvenue chez eux ! Bienvenue dans le delta de l'Okavango. Un endroit unique. Un fleuve qui s'échoue dans le désert du Kalahari. Ici, au Botswana, l'eau ne se jette pas dans la mer. Elle envahit les terres et stagne pendant plusieurs mois de l'année. Ce qui en fait une zone géologique rare et en perpétuelle évolution.
Depuis une dizaine d'années, une équipe de géologues français s'intéresse au delta l'Okavango. Géologie, tectonique ou encore sédimentologie, ils l'étudient de façon intégrée pour comprendre l'environnement dans son ensemble. Accompagnés de chercheurs botswanais, il faut déjà accéder à la zone d'étude. Pour cela, ils doivent rouler pendant plusieurs heures sur une piste ensablée et franchir des passages à gué délicats.

Olivier Dauteuil :
Le problème, c'est que c'est assez profond en fait. On a une partie plane qui est la plaine alluviale sur laquelle on est et en fait là il y a un trou qui est le chenal où l'eau, un maximum d'eau qui passe. Donc on a un trou qui doit faire à peu près 80 cm de profondeur et il va falloir essayer de passer dedans.

Commentaire voix-off :
Cette fois-ci, les 4X4 le franchissent sans problème. Mais quelques kilomètres plus loin, il y a un nouveau passage à gué. Et là, une voiture s'embourbe. Il faudra un treuil pour réussir à la libérer. La crue est arrivée et inonde peu à peu les terres. Chaque année, l'eau des pluies des montagnes d'Angola s'écoule lentement pour arriver quelques mois plus tard dans ce qu'on appelle un cône alluvial. Cela crée un immense marécage.

Marc Jolivet :
La pente est de 0,01 degrés, à peu près. C'est pour ça que l'eau, elle met presque entre six et huit mois à descendre en fait, parce que c'est très très plat. Il ne faut pas voir ça comme les crues de chez nous, dans les Pyrénées ou dans les Alpes. Ici, la crue, c'est quelque chose de très lent. Derrière moi, là, en ce moment, la crue est en train de monter de, environ, un petit centimètre par jour.

Commentaire voix-off :
Avec la crue, la zone d'étude n'est plus accessible par la route. L'équipe doit donc s'y rendre en bateau. Un trajet époustouflant mais dangereux. Outre les crocodiles et éléphants, il faut surtout slalomer entre les nombreux hippopotames. S'ils se sentent menacés, ils pourraient attraper le bateau d'un coup de mâchoire et le renverser. Les voici arrivés. Les chercheurs français sont accueillis dans ce campement qui appartient à l'Université du Botswana.
Ici, tout au long de l'année, des biologistes botswanais sont sur place pour étudier la faune et la flore dans ce lieu si particulier.

Kaelo Makati :
Lorsque la crue arrive par à-coups sur des étendues complètement asséchées, et que même des zones très peu profondes sont recouvertes d'eau, l'herbe devient soudain luxuriante. Elle attire alors de nombreuses espèces d'oiseaux, de poissons, d'antilopes, mais aussi une mégafaune composée d'éléphants et d'hippopotames qui en font leur habitat.

Commentaire voix-off :
Pour étudier cet écosystème unique, les scientifiques ont installé de nombreux instruments de mesure, à quelques mètres du camp. Ils peuvent ainsi collecter des données quotidiennes sur la pluviométrie ou le vent. A chaque visite, ils améliorent le dispositif.
Aujourd'hui, il faut changer une pièce du GPS à haute résolution. Celui-ci enregistre les mouvements du sol au centimètre près.

Olivier Dauteuil :
Avec cela, on mesure la hauteur du sol. Et en fait, il faut savoir que la hauteur du sol partout sur la surface de la terre, bouge quasiment en permanence. Ici, ça bouge par an de 2 à 3 centimètres. En Bretagne, à Rennes, ça bouge d'un centimètre tous les jours, ça monte, ça descend d'un centimètre tous les jours. Ici les déplacements verticaux sont liés à la crue qui arrive donc tous les ans. Donc 11 kilomètres cube d'eau, donc 11 milliards de mètres cube d'eau qui arrivent tous les ans.

Commentaire voix-off :
En plus de ces instruments, l'équipe utilise également l'imagerie satellite, mais celle-ci ne peut être exploitée que si elle a été bien calibrée en vérifiant les informations sur le terrain. Pour cela, les chercheurs prennent des mesures et des photographies.

Louis Gaudare :
On prend des points GPS à différents endroits. Par exemple, derrière nous, on a de la végétation herbeuse. Donc savoir qu'à cet endroit précis, c'est de la végétation herbeuse alors qu'ici on est plutôt dans, sous une forêt, sous des arbres. Donc savoir que ce pixel-là, c'est des arbres. Et ensuite pouvoir comparer ces données de terrain avec ce qu'on observe en imagerie satellite.

Commentaire voix-off :
Les scientifiques profitent des quelques jours dans cet endroit exceptionnel pour collecter un maximum de données qu'ils étudieront en France tout au long de l'année.
Aujourd'hui, c'est le jour du forage sur Chief's Island, une zone à quelques kilomètres du camp. Ici, il n'y a pas de piste. Il faut aider 4X4 à se frayer un chemin entre les arbres.
A peine arrivés, le forage commence. Cela va prendre plusieurs heures pour atteindre les six mètres de profondeur espérés. Il faut ensuite minutieusement répertorier chaque échantillon. Ils seront analysés en Bretagne à plus de onze mille kilomètres d'ici.

Marc Jolivet :
Donc, ce que je fais, c'est que tous les 30 centimètres à peu près, je prends un échantillon du sol que j'essaye de décrire dans mon carnet et on fera des analyses chimiques et granulométriques sur ces échantillons-là pour voir ce que contient le sol.

Commentaire voix-off :
Ils veulent forer jusqu'à trouver de l'eau, car ils cherchent à comprendre pourquoi une majorité d'arbres sur cette île sont morts. Leur hypothèse est que la nappe phréatique, naturellement chargée en métaux lourds, serait remontée.

Marc Jolivet :
Entre 2006 et 2011/2012, la plupart des arbres sont morts, surtout les acacias, qui ont des racines très profondes. Et en fait, on pense que c'est cette nappe phréatique-là qui, lors d'un événement pluvieux un peu plus important et d'une crue plus importante, est remontée vers la surface et a littéralement empoisonné les arbres.

Commentaire voix-off :
Arrivés à 5m30, toujours pas d'eau en vue, mais la composition du sol change drastiquement. Elle passe d'un sable argileux foncé à un sable blanc très fin. Il n'est plus possible de forer.
Quelques mètres plus loin, les géologues s'improvisent maintenant bûcherons. Ils veulent cette fois ci prendre des tranches d'arbres morts.
L'analyse de leurs cernes permettra de mieux comprendre la composition de l'eau qu'ils ont absorbé.

Marc Jolivet :
Regardez la géochimie le long de la rondelle pour voir s'il y a des changements de composition chimique qui pourraient indiquer que l'arbre a été empoisonné à un moment ou un autre par l'eau de la nappe phréatique.

Commentaire voix-off :
A travers ces manipulations, les chercheurs français arrivent à remonter le temps sur quelques milliers d'années. Ils essayent également de prévoir le futur. Ils ont repéré sur des images satellites que le delta rejoignait parfois une rivière. Si la jonction avait lieu en permanence, le delta pourrait disparaître. C'est ce qu'on appelle une capture.

Olivier Dauteuil :
Il y a une partie qui est en train de se propager vers l'est, rejoindre une autre rivière qui s'appelle Linyanti. Et ce Linyanti qui est directement connecté au Zambèze et qui elle est connectée à l'Océan Indien. Si cette connexion est beaucoup plus forte que maintenant, il y aura une capture et du coup une grosse partie, voire peut-être toute l'eau qui arrivera dans le delta sera capturée et ira dans le Linyanti et ensuite dans le Zambèze. Et ici on aura plus d'eau ou en tout cas très peu d'eau.

Commentaire voix-off :
Pour une fois, l'humain n'est pas en cause. Ici, il n'y a pas de pression anthropique, aucun impact de l'homme sur le milieu. C'est un mouvement naturel géologique. Mais si cette capture est avérée, des décisions politiques pourraient permettre de freiner cette fuite d'eau, pour conserver le plus longtemps possible le delta de l'Okavango, véritable joyau du Botswana.

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