Only available for non-commercial distribution

© CNRS - 2024

Reference

8011

Rwanda face aux glissements de terrain (Le)

Des montagnes à perte de vue, des pentes fortes, de la pluie, de la déforestation… Au Rwanda, toutes les conditions sont réunies pour que le sol glisse. Une équipe de géologues du CNRS s'y rend tous les six mois pour observer trois types de glissement de terrain et mieux comprendre ces phénomènes. Les modélisations qu'ils réalisent permettrons de prévenir les risques des prochains glissements de terrain.

Duration

00:09:29

Production year

Définition

HD

Color

Color

Sound

Sound

Version(s)

French

Original material

Apple ProRes 422

Transcription


Commentaire voix-off :
Il est surnommé le pays aux 1000 collines. Voici le Rwanda avec ses montagnes verdoyantes, ses terres fertiles et ses cultures variées. Mais comme un peu partout sur la planète : qui dit montagne, dit glissements de terrain. Au Rwanda, il faut vivre avec. Ici, ils grignotent la route. Là, ils emportent les cultures. Ils sont dangereux car ils menacent les habitations. Ils sont imprévisibles et parfois mortels. Une équipe de scientifiques vient tous les six mois dans ce petit pays d'Afrique équatoriale pour y étudier trois gros glissements de terrain.

A peine arrivés au Rwanda, les trois géologues du CNRS se rendent sur le terrain. L'équipe se compose de deux chercheurs français et d'un étudiant rwandais en thèse. Sur ce versant de montagne, une énorme coulée de boue a complètement défiguré tout le paysage.

Marc Jolivet :
Là, ça remonte.

Olivier Dauteuil :
Ça a bien bougé.

Marc Jolivet :
Ouais.
Ce glissement, c'est donc une coulée de boue. Le matériel qui glisse, c'est de la boue. Donc c'est un mélange de sol, de matières organiques et puis de sable. Elle est vraiment très impressionnante : 1,2 kilomètres de long, elle attaque deux vallées et l'épaisseur de boue dans la vallée, c'est une dizaine de mètres à peu près. Donc il faut imaginer un fleuve de boue ou une vague de boue qui descend la vallée sur une dizaine de mètres d'épaisseur.

Commentaire voix-off :
Ce type de glissements de terrain est très dangereux car très rapide, et il continue de s'étendre en remontant la montagne. Malgré le danger, les habitants n'ont d'autre choix que de cultiver leur terre. Anisia Twizerimana a vu son champ se réduire considérablement.

Anisia Twizerimana :
(traduite en français)
De toutes les parcelles que nous avions avant ici, il ne nous reste que cette petite partie, mais il faut bien manger. Sans ça, nous n'aurions rien à donner aux enfants. Alors je dois cultiver ces patates douces, même si ça risque de partir, même si nous pouvons nous retrouver sans rien. On cultive, mais on sait très bien qu'un jour ça peut partir.

Commentaire voix-off :
Pour comprendre les raisons de ce gigantesque glissement de terrain, Marc Jolivet récolte des échantillons qui seront analysés en France. Ici, deux types de sols permettent de mieux comprendre ce qu'il s'est passé.

Marc Jolivet :
Le niveau supérieur de sol ici est assez poreux. C'est sableux, avec de la matière organique et l'eau, elle circule à l'interface entre ce sol poreux et le sol qui est en dessous, qui est beaucoup plus riche en argile, qui est imperméable, ça fait glisser le sol supérieur et c'est ça qui a en fait provoqué la, le glissement de terrain ici, c'est que l'eau circule sur un niveau bien précis et tout ce qui est au-dessus s'en va.

Commentaire voix-off :
En plus des échantillons, le géologue collecte des milliers d'images à la chaîne. Elles lui serviront à construire un modèle 3D de ce glissement de terrain. Ici, comme dans tout le pays, la moindre portion de terre est cultivée. Les paysages sont faits d'un patchwork de nombreuses cultures vivrières : patates douces, pois ou autres bananes. C'est un pays rural, mais au fur et à mesure, le Rwanda a perdu presque toute sa forêt primaire. Il n'en reste aujourd'hui plus que 5 %, remplacés peu à peu par des champs.

Fils Vainqueur Byiringiro :
Le Rwanda est le pays le plus densément peuplé de l'Afrique. Ça, ça donne une grande charge anthropique. Le sol est très cultivé deux ou trois fois par an. Ça fait que le sol n'est plus résistant aux glissements.

Marc Jolivet :
Dans les années 60, ici, tout était couvert par de la forêt vierge. Et quand vous enlevez la forêt, vous enlevez tout le système racinaire des arbres. Et puis il n'y a plus rien qui tient le sol.

Commentaire voix-off :
Mais aujourd'hui, presque comme tous les jours, il faut rentrer plus tôt à cause de la météo. La pluie rend les glissements de terrain encore plus dangereux.

Sonia :
Le Rwanda est un pays très vert car ici, il pleut énormément. Mais si cette pluie est bénéfique aux cultures, elle l'est moins pour les versants de montagne. L'eau s'infiltre dans la pente et provoque des énormes glissements de terrain.

Olivier Dauteuil :
Les glissements de terrain, donc, il faut trois facteurs : il faut une pente, un sol friable, dénudé et de la pluie. Malheureusement, le Rwanda remplit toutes ces conditions-là. Donc, en fait, c'est vraiment le pays où on peut avoir des glissements de terrain. Toutes les conditions sont remplies.

Commentaire voix-off :
Et les conséquences peuvent être dramatiques. Joséphine Nyiramajyambere habite avec sa famille au bord du glissement. Sa fille de cinq ans a perdu la vie dans la coulée de boue. La fillette était partie chercher de l'eau à la source avec son demi-frère. Quand ils ont été pris par surprise. Pendant plusieurs jours, ils étaient introuvables. Jusqu'à un coup de fil…

Joséphine Nyiramajyambere :
J'ai reçu l'appel du chef de secteur vers 5 h. Il y avait eu un deuxième glissement. Ils m'ont dit que les enfants ont été trouvés dans le champ de thé. Je suis parti tout de suite et j'ai demandé à Dieu que même si les enfants sont morts, au moins qu'on trouve les corps pour bien les enterrer. Lorsque nous sommes arrivés, on a vu le corps de ma fille.

Commentaire voix-off :
Le ministère de l'Environnement rwandais, conscient du problème, veut trouver des solutions. Aujourd'hui, deux représentants accompagnent les scientifiques pour comprendre l'ampleur du phénomène. Une dizaine de maisons se situe juste au-dessus du glissement. Le gouvernement propose des solutions de relogement pour faire face au danger imminent.

Personne anonyme du Gouvernement Rwandais :
Combien de personnes vivent ici ?

Habitant du village (anonyme) :
Nous sommes trois dans cette maison.

Commentaire voix-off :
Si on ne peut stopper un glissement, on peut suivre avec attention son évolution. Grâce aux nombreuses photos prises, les géologues ont pu reconstruire le glissement en 3D. En comparant ce modèle à des images satellites, ils arrivent à suivre sa progression.

Marc Jolivet :
On peut cartographier donc l'évolution des glissements de terrain, les nouveaux glissements qui apparaissent et on peut suivre comme ça le risque. Là, les derniers, les dernières mesures qu'on a faites montrent que les maisons les plus proches du glissement commencent à être entre dix et quinze mètres. Et on craint donc que ces maisons soient emportées dans le glissement à la prochaine saison des pluies.

Commentaire voix-off :
D'où l'urgence de reloger les habitants au plus vite.
Direction maintenant la région de Karongi, à une centaine de kilomètres plus au sud. Le pays fait la taille de la Bretagne, mais étant donné sa topographie et la météo changeante, les déplacements y sont plus longs et mouvementés, surtout lorsqu'il faut emprunter une piste comme celle-ci. Mais cette zone d'étude vaut bien le déplacement.

Sonia :
Ici, dans un rayon de cinq kilomètres, en une seule nuit, il y a eu 750 glissements de terrain.

Commentaire voix-off :
Pour expliquer ce chiffre important, l'équipe a une nouvelle hypothèse.

Olivier Dauteuil :
Y a des orages qui sont très violents et en fait, on pense à un moment donné, au moins pour une série de glissements de terrain qui auraient été provoqués par ces orages. C'est la dernière piste sur laquelle on travaille actuellement parce que là où se sont produits tous ces glissements induits par l'orage, il n'y a pas eu de séismes, il n'y a pas de volcans. Donc en fait, on travaille sur cette hypothèse-là, qui serait une hypothèse assez nouvelle pour le déclenchement des glissements de terrain.

Commentaire voix-off :
Car malgré tout, le pays se situe dans une zone tectonique très active. Pour étudier cet aspect, l'équipe a installé un GPS dans un endroit un peu étonnant. Ils ont choisi l'école de Rushabarara comme lieu sécurisé. Ici, nous sommes proches du lac Kivu. Ce lac est le résultat de l'activité tectonique du rift est-africain. Or, jusqu'à présent, il n'y avait aucune station GPS dans cette région.

Olivier Dauteuil :
Donc là, actuellement je suis en train de télécharger les fichiers GPS. Au mois d'avril dernier, on a installé un récepteur GPS qui est juste derrière moi avec une antenne qui est sur le toit. Ce récepteur enregistre des données toutes les 30 secondes. Donc on les télécharge et ensuite, après on va les traiter au laboratoire pour avoir des précisions qui sont de l'ordre du centimètre.

Commentaire voix-off :
Pendant deux semaines, ils vont également prendre de nombreuses mesures GPS sur le terrain, notez les épaisseurs de sols, les pentes fortes. Ils pourront en faire des cartes de risques pour anticiper les futurs glissements de terrain. Ces recherches pourraient avoir un impact positif sur le quotidien des Rwandais. Si l'humain ne peut arrêter le mouvement du sol, il peut mieux le connaître pour peut-être le devancer.

Author(s)

Production

CNRS Institute(s)

Regional office(s)

Scientific topics

CNRS Images,

Our work is guided by the way scientists question the world around them and we translate their research into images to help people to understand the world better and to awaken their curiosity and wonderment.