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© CNRS - 2023

Numéro de notice

7782

Fou de Bassan face au virus (Le)

Des milliers de couples de fous de Bassan se reproduisent chaque année sur l'île Rouzic, unique colonie française située au large des côtes bretonnes. Mais cette espèce d'oiseaux marins vient de subir, pour la première fois, une mortalité massive causée par le virus de l'Influenza aviaire. En étudiant le comportement des oiseaux grâce à la pose de GPS miniaturisés, les scientifiques du CNRS sont parvenus à suivre plusieurs fous de Bassan au coeur de l'épidémie. L'étude a été complétée par la collecte d'échantillons biologiques dans le but de déterminer le variant responsable de cette hécatombe. Grâce aux comptages d'oiseaux nicheurs réalisé sur le long terme sur des zones témoins, la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) à comparer les effectifs avant, pendant et après l'épidémie pour évaluer finement les conséquences démographiques chez cette espèce emblématique du littoral breton.

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00:08:02

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Français

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Transcription


Commentaire voix-off :
Reconnaissable à ses grands yeux clairs et son bec massif qui lui permet de pêcher à plusieurs mètres sous l'eau, il est le plus gros des oiseaux marins d'Europe : le Fou de Bassan. En France, il n'existe qu'une colonie située sur l'île Rozic au large des côtes bretonnes sur
une réserve naturelle, gérée par la Ligue pour la Protection des Oiseaux.
Sur cette colonie, on pourrait penser que ces oiseaux marins sont épargnés des menaces telles que la prédation ou les maladies qui touchent les espèces du continent.

Pourtant, en 2022, la population bretonne des Fous de Bassan a été décimée par un virus d'influenza aviaire, que l'on nomme souvent à tort grippe aviaire. Au cours de cet épisode tragique, qui a occasionné la mort de 50 % des oiseaux adultes, une équipe du CNRS a cherché à comprendre quelles sont les conséquences du virus sur la population bretonne des Fous de Bassan.

Après avoir localisé une dizaine d'adultes encore vivants, revenus sur l'île pour nourrir leurs jeunes, David GREMILLET, écologue au CNRS, attache ce GPS sur les plumes de leur dos, comme il le fait depuis 20 ans pour étudier leur déplacement sur leur zone de pêche. Mais
cette année particulière, le protocole scientifique va plus loin car, épidémie oblige, il est nécessaire de savoir pour chaque oiseau manipulé s'il est infecté ou non par le virus de l'influenza, et si oui, par quel variant.

David GREMILLET :
On a essayé de comprendre l'incidence que la grippe aviaire allait avoir sur le comportement des oiseaux qui allaient, qui allaient
survivre. Pour ça, on a effectué des prélèvements cloaco et dans la trachée. On a fait aussi des prises de sang pour connaître la prévalence du virus, savoir si les oiseaux sont porteurs du virus, savoir aussi s'ils sont en capacité de développer des anticorps contre le virus.

Commentaire voix-off :
Pendant que les GPS enregistrent en continu les déplacements des oiseaux équipés, les échantillons biologiques collectés sur la colonie de Rozic sont acheminés sur le continent pour y être analysés. Les prélèvements vont rejoindre ceux collectés sur les Fous de Bassan, retrouvés morts en mer ou échoués sur les plages du littoral breton.
En laboratoire les prélèvements sont manipulés sous haute protection dans un local confiné et analysés grâce à la technique dite de
PCR. Les échantillons positifs de l'influenza aviaire hautement pathogène de type H5 et H8 sont ensuite transférés à l'ANSES : Agence Nationale de Sécurité Sanitaire.

Béatrice GRASLAND :
On fait le diagnostic de confirmation dès qu'il y a une suspicion d'influenza aviaire en France. On a des variations quand même entre ces
différents virus qu'on observe en France et par exemple celui qui a affecté les Fous Bassan n'est pas le même que celui qui affecte les Goélans. Pourquoi ces, ces virus sont différents et affectent plutôt cette espèce plutôt que l'autre, pour l'instant on n'a pas forcément les
réponses à l'ensemble de ces de de, de ces questions il faudra étudier chaque virus.

Commentaire voix-off :
Les analyses confirment que tous les individus de Fous de Bassan retrouvés morts ont contracté le même variant spécifique à l'espèce. On parle dans ce cas précis d'une épizootie, un terme employé pour décrire une épidémie chez les animaux. Concernant les 15 Fous porteurs
de GPS, aucun n'a modifié son comportement : les oiseaux ont poursuivi leurs allers-retours pour nourrir leurs poussins restés à terre, et ce malgré l'hécatombes qui se poursuit sur la colonie. Pas de confinement donc, chez les Fous de Bassan, où le virus trouve un terrain de propagation idéal et rapide grâce à la très forte densité des colonies.

Mais quel est donc l'impact de l'épizootie sur l'état de la population de l'île Rozic ? Pour y répondre, l'étude est complétée par un autre protocole. A la station ornithologique de l'île Grande, les agents de la Réserve Naturelle déterminent le succès de reproduction de chaque couple sur une zone témoin, grâce à une caméra installée sur l'île Rozic et qui filme la colonie en direct à des fins pédagogiques pour
les visiteurs, mais aussi dans l'optique d'un suivi scientifique.

Armel DENIAU :
On a des zones qui sont préenregistrées et ces zones nous permettent de faire du suivi individualisé au nid près. Pour ça, on utilise des calques et ce qui nous permet de savoir par exemple que le nid 1 qui a été marqué en début de saison, bah on a plus d'adultes, pas de jeunes, donc il y aura pas de production en jeune cette année sur ce territoire là ; par contre le nid 27 là un poussin de 5 semaines et on
va le suivre comme ça tout au long de la saison jusqu'à l'envol.

Commentaire voix-off :
C'est grâce à ce suivi que les agents de la Réserve Naturelle estiment que seulement 10 % des couples ont réussi à élever leur poussins pendant l' épizootie. Quel avenir alors pour les Fous de Bassan qui ont survécu ? Les scientifiques s'interrogent maintenant sur les questions d'immunité des oiseaux, c'est-à-dire leur capacité à résister à de nouvelles épidémies.

Thierry BOULINIER :
Un résultat important par exemple qui a été obtenu sur la colonie de Rozic, ça a été suite à des prélèvements qui ont été faits sur des poussins qui ont pu s'envoler de la colonie en fin de saison, des prélèvements sanguins qui ont permis de montrer que certains avaient des anticorps contre le virus. Ca veut dire qu'ils ont été infectés et qu'ils ont survécu à l'infection.

Commentaire voix-off :
Par ailleurs, fait étonnant et encore jamais observé, une proportion d'adultes de Fous de Bassan ont désormais des yeux totalement sombres ou des iris tachetées de noir alors qu'ils sont d'ordinaire d'un bleu pâle. Les scientifiques ont pu démontrer grâce à des prélèvements sanguins que 100 % des oiseaux aux yeux différents possèdent des anticorps, preuve d'une infection passée au virus. Ce changement soulève une nouvelle question : la vision de ces oiseaux serait-elle altérée ?

David GREMILLET :
On a équipé des oiseaux avec les yeux noirs de balises GPS, d'autres qui avaient survécu à l'épidémie qui avait gardé leurs yeux bleus et on espère bientôt savoir quelle incidence cette modification peut avoir sur leur capacité à se à se nourrir et à et aussi à se reproduire, à nourrir leur poussins.

Commentaire voix-off :
Les études sur l'influenza aviaire en milieu sauvage sont précieuses car elles apportent des informations complémentaires à celles réalisées dans les élevages où les oiseaux n'ont pas le temps de développer une immunité avant d'être abattus pour la consommation. L'influenza aviaire hautement pathogène circule parmi les population d'oiseaux domestiques et sauvages, entre lesquelles la transmission s'opère dans les deux sens, de proche en proche.
Dans ce contexte, la solution d'un vaccin distribué dès cet automne est fortement attendue dans le monde de l'élevage, qui a connu ces dernières années des crises majeures en France et dans le monde. Mais dans ce cas faudrait-il vacciner les populations d'oiseaux sauvages ?

Thierry BOULINIER :
Une approche comme la vaccination est clairement pas envisageable pour certaines populations naturelles de très grande taille comme les Fous de Bassan ; en revanche pour certaines espèces déjà très menacées, encore plus menacées, la très petite population, là ça pourrait être à considérer.

Commentaire voix-off :
L'évolution des variants d'influenza aviaire hautement pathogène est aujourd'hui très suivie à travers le monde : pour ces conséquences économiques dans le monde de l'élevage, pour les pertes importantes qu'elle occasionne sur la biodiversité animale mais aussi parce que des mutations successives du virus ont permis un passage vers les mammifères comme les phoques ou encore les chats.
Mais ce n'est pas tout : la communauté scientifique craint une prochaine mutation qui permettrait une transmission du virus des mammifères à l'homme.

Réalisateur(s)

Aurélien PRUDOR

Auteur(s)

Production

Référent(s) scientifique(s)

Délégation(s)

Thématiques scientifiques

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