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© CNRS - 2022

Numéro de notice

7531

Algues : comment font-elles des bébés ?

Fondée il y a tout juste 150 ans, le 20 août 1872, la Station biologique de Roscoff fait toujours référence pour l'étude de la vie marine. Pour preuve, cette découverte majeure publiée fin juillet à la une de la revue Science : les scientifiques ont montré qu'un petit crustacé, l'idotée, pouvait aider à la reproduction des algues, à l'image des abeilles qui pollinisent les fleurs. Cap sur la Bretagne pour découvrir les coulisses de ces travaux fascinants.

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00:07:07

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Commentaire voix-off :
Dans ce paysage breton, elles sont emblématiques : les algues. Elles nous paraissent bien familières, mais on les connaît peu. Si elles ont des points communs avec les végétaux, notamment la photosynthèse, elles possèdent également de nombreuses singularités, comme celle de la reproduction. Ces plantes marines ne font pas de fleurs. Alors, comment font-elles pour se reproduire ?
C'est l'une des nombreuses questions que se posent les chercheurs de la station biologique de Roscoff, dans le Finistère. Elle fête cette année ses 150 ans. Environ 200 scientifiques étudient la vie marine, et notamment de nombreuses espèces d'algues. Ici, des découvertes historiques ont permis de mieux comprendre leur cycle de vie.

Philippe POTIN – biologiste marin
Au début du XXᵉ siècle, ici à Roscoff, un chercheur qui s'appelait Camille Sauvageot, qui a élucidé le cycle de vie des grandes laminaires, qui a montré que ça passait par une génération qui était effectivement invisible à l'oeil nu, qui était une génération microscopique et que cette génération microscopique assurait la production de gamètes mâles et femelles.

Commentaire voix-off :
Aujourd'hui encore, les chercheurs étudient cette génération microscopique appelée gamétophyte. Ils arrivent même à les manipuler et à les cloner et à les conserver à ce stade-là. C'est ce qui leur permet de faire naître des algues quand ils le souhaitent.

Philippe POTIN – biologiste marin
Ces recherches passent par la sélection et la maîtrise de ces cycles de vie. Et bien sûr, la conservation aussi de toutes ces souches. Puisqu'ici on a des cultures clonales, en fait de gamétophytes mâles et femelles. Et on peut amplifier au laboratoire et donc ensuite garder comme semence potentielle pour cette année-là.

Commentaire voix-off :
D'autres chercheurs sont sur une piste pour comprendre un facteur qui pourrait aider la reproduction d'une certaine algue rouge : La Gracilaria gracilis. Chez cette espèce, les gamètes mâles, contrairement aux spermatozoïdes, n'ont pas de flagelles et ne sont donc pas mobiles. Mais dans une eau stagnante, comment les gamètes mâles et femelles peuvent-elles se rencontrer ?

Myriam VALERO – généticienne de l'évolution
Là, elles sont dans des flaques calmes, à marée basse. Il n'y a presque pas de mouvements d'eau et donc on se posait la question mais comment est-ce que c'est possible que la fécondation soit efficace avec un tel système ? Et donc on a recherché si jamais ces petits animaux qu'on voyait à chaque fois sur le terrain associé à l'algue, pouvaient participer à la fécondation.

Commentaire voix-off :
Voici les petits crustacés en question. On les appelle des idotées.

Myriam VALERO – généticienne de l'évolution
Elles sont de la même couleur et elles ont des formes qui font que la gracilaire leur permet de bien se camoufler des prédateurs.

Commentaire voix-off :
Leurs hypothèses, c'est qu'elles pourraient jouer le rôle de pollinisateurs en transportant les gamètes mâles vers les algues femelles. Pour leurs expériences, ils doivent prélever des algues. Après de nombreuses années d'essais, l'équipe a enfin réussi à vérifier cette hypothèse en laboratoire. Une première mondiale. Pour cela, les chercheuses ont élevé des idotées pour leurs expériences dans deux aquariums. Elles placent à la fois des algues femelles et des algues mâles, dans l'un d'eux elles ajoutent des idotées. Au bout d'un mois, elles comptabilisent le nombre de fécondation obtenu en comptant le nombre de zygote. C'est l'oeuf fécondé qui se développe à la surface de l'algue.

Emma LAVAUT - biologiste
Et donc chacune de ces petites structures représente un zygote. Et donc on va compter le nombre de structures sur la branche, sur le thalle de l'algue. On va également mesurer la longueur de chaque fragment. Et comme ça, on aura un ratio, en fait, on a un nombre de fécondations, donc un nombre de zygotes par centimètre de thalle.

Commentaire voix-off :
Résultat : il y a 20 fois plus de fécondations avec les idotées que sans. En parallèle, les chercheuses réalisent une seconde expérience, cette fois-ci en ne mettant que des algues femelles. Dans un aquarium, elles y ajoutent des idotées, incubées préalablement avec des algues mâles. Là aussi, le résultat est probant : dans l'aquarium avec idotées, des fécondations ont lieu, contrairement à celui sans idotées.

Myriam VALERO – généticienne de l'évolution
Dans cette expérience-là, en fait, il n'y a pas de mâles qui sont avec les femelles dont il ne peut pas y avoir comme explication des mouvements d'eau dans le transport des gamètes mâles. C'est uniquement le rôle des idotées qui peuvent expliquer la fécondation.

Commentaire voix-off :
Une découverte cruciale qui questionne l'histoire de l'évolution, car les algues sont les ancêtres de tous les végétaux sur Terre. Et si cette relation algue/animale existait bien avant l'arrivée des plantes terrestres ?

Myriam VALERO – généticienne de l'évolution
Ça antidate l'apparition des relations entre les animaux et les plantes. Donc, du coup, pour le moment, on pensait que c'est arrivé bien après la sortie des plantes, de l'eau vers la terre. Et en fait, ça aurait pu exister avant. Donc du coup, ça aussi, ça ouvre des perspectives de recherche qui sont tout à fait nouvelles pour comprendre l'évolution de cette interaction entre des végétaux et des animaux.

Commentaire voix-off :
Les chercheurs travaillent également avec les producteurs d'algues. Cette collaboration permet d'échanger savoirs et retours d'expériences. Dans ces grands bacs, on produit de la laitue de mer utilisées pour l'alimentation animale et humaine. La reproduction de cette algue est simple, il suffit de la couper pour qu'elle se reproduise.

Alexandre BERTHELOT - agriculteur
Imaginons. Ça, c'est ma biomasse initiale. Là, on va la mettre dans l'eau. Elle va grandir, va grandir. Les roues à aubes, derrière, vont passer sur l'algue, cassés l'algue et ainsi de suite. Et là, il va continuer à grandir. Donc là, j'ai deux individus, hop, j'ai trois individus, j'ai quatre individus et ça, c'est le même individu qui va continuer à grandir individuellement.

Commentaire voix-off :
Partout dans le monde. Les algues à l'état sauvage sont en danger. Elles régressent à cause de l'augmentation de la température de l'eau. Plus que jamais, il est nécessaire de les étudier et de comprendre leur fonctionnement. Pour tenter de sauver ces organismes ancestraux apparus il y a 1,5 milliard d'années. Une population d'algues qui disparaît, c'est tout un écosystème chamboulé.

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