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© CNRS - 2024

Numéro de notice

8013

Osmotique : l'énergie bleue du futur ?

Sur notre planète, la rencontre entre l'eau douce et l'eau salée de la mer produit depuis toujours un phénomène mystérieux : l'osmose. Cette source d'énergie étonnante pourrait révolutionner notre manière de produire de l'électricité, grâce à la découverte d'un matériau innovant, trouvé par le physicien Lydéric Bocquet et produit par la start-up rennaise Sweetch Energy.

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Commentaire voix-off :
Depuis des millions d'années dans les estuaires et les deltas de la planète, la rencontre entre l'eau douce et l'eau salée de la mer produit un phénomène mystérieux. Une source d'énergie étonnante se libère sous forme de chaleur. Le professeur Lydéric Bocquet est physicien au CNRS. Il est à l'origine d'une innovation qui pourrait révolutionner notre manière de produire de l'électricité.
Et cette découverte, il l'a faite totalement par hasard.

Lydéric Bocquet :
On était intéressé dans le laboratoire aux effets des différences de concentration en sels, dans un contexte complètement différent. Et le résultat a été un peu au-delà de nos espérances. On a mesuré des courants électriques considérables lorsqu'on utilise des matériaux tels que ceux qu'on avait utilisés. Et c'est là où on a connecté à ce sujet, qui était un peu ancien mais un peu laissé de côté, qui s'appelle l'énergie osmotique.

Commentaire voix-off :
Connue depuis les années 1950, cette énergie bleue a fait l'objet de quelques expériences aux États-Unis et en Europe, restées sans succès. A Paris, c'est ici que tout a commencé en 2011, avec ces prototypes de quelques centimètres.

Nicolas Chapuis :
C'est le coeur de notre dispositif de récupération de l'énergie osmotique. De part et d'autre, on a une arrivée d'eau salée et d'eau pas salée et on va avoir l'apparition d'un potentiel électrique en fait.

Commentaire voix-off :
Concrètement, comment ça marche ? Quand on met en contact deux eaux avec des concentrations en sel différentes, le sel va naturellement circuler pour s'équilibrer. Le sel est constitué de deux éléments : le sodium chargé positivement en électricité et le chlore chargé négativement. Si on installe une membrane qui ne laisse passer que les ions de sodium, on peut créer une pile naturelle et récupérer un courant électrique.

Lydéric Bocquet :
Le réservoir possible au niveau mondial, il est estimé typiquement entre 1000 et 2000 gigawatts. Alors il faut se dire un gigawatt, c'est l'équivalent d'un réacteur nucléaire. Donc en gros, l'énergie osmotique produirait autant d'énergie que 1000 à 2000 réacteurs nucléaires. Sachant qu'actuellement dans le monde, il y a 400 réacteurs nucléaires. Donc tout de suite, on voit que le potentiel est loin d'être anecdotique.

Commentaire voix-off :
Plusieurs tentatives d'usine osmotique ont été lancées dans le monde. Mais le problème, ce sont les membranes trop chères, difficilement exploitables. Grâce à sa découverte, Lydéric Bocquet va passer du laboratoire à l'échelle industrielle. En 2015, il s'associe à des entrepreneurs, spécialistes de l'innovation et passionnés de sciences appliquées, pour fonder Sweetch Energy. La start-up est installée à Rennes.
Désormais, l'équipe s'est agrandie et a déposé huit brevets. 40 ingénieurs et chercheurs travaillent pour produire des membranes nouvelle génération, baptisée INOD.

Bruno Mottet :
Ces membranes, elles sont faites à partir de matériaux biosourcés, essentiellement des bases de cellulose, donc à partir de bois. Et on vient transformer cette cellulose, on lui donne des propriétés physico-chimiques singulières, qui nous permettent de faire une espèce de pâte, un peu comme une pâte à papier, pâte à pain, avec les propriétés bien voulues qu'on vient ensuite étaler avec un système de roll-to-roll, et on fabrique une membrane dont on maîtrise l'épaisseur, la porosité et les propriétés physico-chimiques. Et ce sont ces membranes-là qui permettent de générer des courants ioniques très importants.

Commentaire voix-off :
La composition exacte de ce nouveau matériau restera secrète, mais voici à quoi il ressemble.

Bruno Mottet :
En fait, ces membranes, elles sont constituées de milliers de milliers, voire même des millions, de nanopores et en fait maîtriser cette porosité-là, c'est quelque chose d'assez complexe. Ensuite, elles ont des propriétés de surface qui permettent de les rendre sélectives et donc de générer les fameux courants ioniques qu'on va ensuite transformer en courant électrique avec nos électrodes.
Donc, c'est toute la singularité de notre technologie, c'est le coeur de notre technologie ce type de membrane-là, et ça, c'est vraiment du home-made, c'est vraiment… Nous sommes les seuls à maîtriser cette technologie-là aujourd'hui.

Commentaire voix-off :
Pour capturer l'énergie osmotique, le modèle réduit de Lydéric Bocquet est devenu en quelques années cinq fois plus imposant. Pas de fumée, ni d'odeurs, aucune nuisance sonore, visuellement, il ne se passe pas grand-chose. Et pourtant, une tension de quinze volts est actuellement générée par cette machine.

Chloé Bizot :
On vient faire s'écouler de l'eau douce, de l'eau salée, le mélange se fait au travers des membranes. Ici, le système d'électrodes vient convertir le flux ionique en courant électrique. Avec un système de cette taille, on va pouvoir produire une puissance qui est équivalente à deux panneaux photovoltaïques.

Commentaire voix-off :
Chaque mètre carré de membrane peut actuellement produire une énergie de quatre watts. L'ambition de Sweetch Energy est d'atteindre les dix watts. Sachant que les scientifiques peuvent empiler des centaines, voire des milliers de mètres carrés de membranes, le but est de trouver la membrane la plus compacte et la plus performante, et cela le plus vite possible. Prochaine étape pour la start-up tester une station osmotique pilote in situ sur l'écluse de Barcarin, dans le sud de la France.

Nicolas Heuzé :
Autour de ces containers, on a un système d'arrivée d'eau douce, un système d'arrivée d'eau salée, des tuyaux, tout simplement avec des systèmes de pompe pour faire entrer l'eau dans le système. Et puis un système de dégagement de sortie de l'eau mélangée qui retourne directement dans le Rhône. Donc, il n'y a pas d'impact important sur l'environnement et sur la biodiversité.

Commentaire voix-off :
Cette première mondiale, déjà scrutée par de nombreux pays, est prévue pour l'été 2024.

Nicolas Heuzé :
On est sûr que ça va fonctionner, alors ce sera le premier démonstrateur d'une technologie totalement nouvelle. Notre projet sur le Rhône, c'est le développement de tout le potentiel osmotique du delta du Rhône, qui représente près de 500 mégawatts de puissance. C'est la possibilité de faire de l'électricité pour 2 millions de personnes en permanence, de façon propre.

Commentaire voix-off :
Sweetch Energy a réalisé une nouvelle levée de fonds de 25 millions d'euros, avec une ambition forte : s'appuyer sur la recherche académique française pour devenir le leader mondial de l'énergie osmotique.

Lydéric Bocquet :
C'est une énergie qui est complètement décarbonée. C'est une énergie non intermittente puisque le flux est continu, contrairement au photovoltaïque et à l'éolien qui dépendent des conditions d'ensoleillement ou de vent. L'idée, effectivement, c'est d'ajouter une nouvelle énergie renouvelable au mix-énergétique pour remplacer les énergies carbonées.

Commentaire voix-off :
L'énergie osmotique pourrait bientôt représenter jusqu'à 20 % de l'ensemble des énergies renouvelables à l'échelle de la planète. Ces scientifiques ne seront bientôt plus les seuls à croire en la magie de l'eau.

Réalisateur(s)

Lucie BENHAMOU

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