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© CNRS - 2022

Numéro de notice

7380

Aux origines de la matière

De quoi se composait la matière moins d'un millionième de seconde après le Big Bang ? Une équipe internationale de scientifiques a imaginé une expérience d'envergure pour mener l'enquête... au coeur du neutron. Car dans cette particule, se nichent peut-être des indices capitaux sur l'apparition de la matière.

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Voix-off commentaire
Au commencement il n'y avait rien. Ni espace, ni temps. Jusqu'à ce grand choc initial, le big bang. Il y a 13,7 milliards d'années.
Une explosion phénoménale qui allait conduire à la naissance de notre univers.
Mais comment la matière a-t-elle jailli du big bang ?
C'est la question qui occupe une équipe de chercheurs français lancée dans une quête au coeur de l'infiniment petit.

Au Laboratoire de Physique Subatomique et de Cosmologie de Grenoble, Guillaume Pignol s'intéresse aux propriétés fondamentales de la matière. Au d'une équipe internationale composée d'une cinquantaine de physiciens et d'ingénieurs, il poursuit une recherche qui a débuté au début des années 50. En illuminant notamment des atomes de mercure avec de la lumière laser ultraviolette, ces chercheurs parviennent à mesurer les champs magnétiques très précisément. Un outil primordial pour espérer découvrir au sein des atomes les traces laissées par des particules issues des premiers âges de l'univers.

Guillaume Pignol
On pense que le modèle standard de la physique des particules s'applique pour des temps après la première millionième de seconde après le big bang. Avant ça, en particulier lorsque le big bang avait un milliardième de seconde, et bien on ne sait pas. Il y avait sans doute de nouvelles particules qui étaient à l'oeuvre à ce moment-là et c'est ça qu'on essaye de découvrir, soit par des expériences à très haute énergie, soit par des expériences de très grande précision.

Voix-off commentaire
Les empreintes laissées par ces particules encore inconnues, Guillaume Pignol espère les retrouver dans une particule qui compose le noyau des atomes : le neutron.
Depuis 2010, il participe à une expérience qui cherche à prouver que cette particule, quoi qu'étant globalement neutre, possède une dipolarité électrique c'est-à-dire deux pôles électriques positif et négatif séparés. Mais capter ce signal est un défi de taille.
Pour tenter de le relever, il a fallu imaginer une expérience de très grande ampleur dont certaines portions ont été créé et assemblé à Grenoble. Pour découvrir les coulisses de cette aventure scientifique, il faut suivre les pas de Guillaume Pignol jusqu'en Suisse.
[musique]
C'est ici, à l'institut Paul Scherrer, que va se dérouler cette expérience, dont la construction est supervisée par Bernhard Lauss. Dans ces gigantesques halls, des scientifiques du monde entier mènent des recherches sur la matière et l'énergie en profitant d'installations rares. Notamment, une source de neutrons de très haute intensité, qui est au coeur de cette expérience.

Bernhard Lauss [traduction de l'anglais]
Il y deux ingrédients clés pour mener une telle expérience. Tout d'abord pour des raisons statistiques on a besoin d'un très grand nombre de neutrons ultra froids que nous produisons ici. Nous avons même construit une source de neutrons ultra froids ces dernières années spécifiquement pour cette expérience. L'autre ingrédient c'est qu'on doit pouvoir stocker ces neutrons dans un champ magnétique et un champ électrique et on va alors rechercher des minuscules changements de la fréquence de rotation de ces neutrons. Pour réussir à faire cela on doit avoir un champ magnétique stable, qui soit parfaitement contrôlé et mesuré.

Voix-off commentaire
Contrôler un champ magnétique revient à s'isoler du champ magnétique terrestre. Pour cela, il a fallu bâtir une structure unique au monde. Un cube de 5 mètres sur 5 a été construit ici durant de long mois : la plus grande chambre magnétiquement isolée au monde. Enfermé dans un coffrage et protégée par 3 portes, le champ magnétique à l'intérieur est comparable à celui que l'on trouve dans le vide intersidéral. C'est ici que vont prochainement être installée les instruments qui doivent permettre de mesurer la dipolarité du neutron.

Thomas Lefort
Si le moment de dipolarité du neutron existe alors sa valeur est inférieure à 10 puissance -27 électron/cm, comme on dit, ça veut dire qu'il y a exactement 26 zéros et ensuite un 1. On est presque à mesurer le zéro. C'est une précision qui est diabolique, améliorer cette pression ça veut quoi ? ben ça veut dire évidemment qu'on utilise des techniques qui sont à la pointe de ce qu'on peut utiliser aujourd'hui.

Voix-off commentaire
Il a fallu quatre ans à Thomas Lefort et son équipe venu du Laboratoire de Physique Corpusculaire de Caen pour concevoir un système capable de créer un champ magnétique parfaitement défini à l'intérieur de cette chambre. Ils utilisent pour cela une bobine de cuivre longue de plus de 2km et qui doit être installée sur les parois en suivant un contour soigneusement calculé. Dans quelques semaines, la production du champ magnétique sera opérationnelle.

Thomas Lefort
Le problème que l'on a aujourd'hui c'est qu'on ne sait pas expliquer comment la matière est apparue dans l'univers. Les lois de la physique sont basées sur des symétries, et ces symétries, elles nous disent que normalement dans l'univers on devrait trouver autant de matière que d'anti matière. C'est pas le cas, on a beau chercher on ne trouve pas, on a que des traces d'anti matière présentes dans l'univers. Donc comment la matière est apparue ? Pourquoi elle est là ? Pourquoi l'antimatière a disparu ? Ça on ne sait pas. Donc on cherche des processus de physique qui conduisent à une production de matière plus importante que d'anti matière. Les modèles nous disent que si jamais on est capable de montrer que le neutron possède une dipolarité électrique alors à ce moment-là, cela veut dire qu'il existe un mécanisme qui conduit à une production de matière accrue par rapport à l'anti matière. Donc montrer qu'il existe, c'est indiquer une piste pour le processus de création de matière dans l'univers.

Voix-off commentaire
Si l'installation se déroule comme prévu, les portes de cette chambre devraient se refermer fin 2022 pour une durée d'au moins 5 ans. Le temps nécessaire à la détection et l'analyse de plus de 17 milliards de neutrons avec l'espoir de voir enfin s'éclairer les origines de la matière.

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