© CNRS - 2023

Numéro de notice

7776

Textes cachés des parchemins (Les)

Certains textes de l'Antiquité sont encore sous nos yeux sans que l'on ne soit parvenu à les lire. Il s'agit des palimpsestes, des manuscrits à double texte. Sur la couche supérieure du parchemin, on peut lire des oeuvres du Moyen-Âge, et en dessous se cachent des textes dits “inférieurs”. Écrits plusieurs siècles avant, ils ont été partiellement effacés, puis recouverts pour économiser le parchemin. S'ils demeurent illisibles à l'oeil nu, l'imagerie multispectrale permet désormais de lire ces textes sans les endommager. C'est grâce à cette technique que l'ONG internationale Early Manuscripts Electronic Library et des chercheurs du CNRS ont mené en juin une campagne de numérisation, concernant une vingtaine de manuscrits de la BnF, pour permettre enfin aux scientifiques de les étudier.

Durée

00:08:02

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HD

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Version(s)

Français

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Transcription


Commentaire voix-off :
C'est une des collections de manuscrits les plus importantes au monde. Sur le site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France se trouve des manuscrits que seuls les chercheurs sont autorisés à consulter. Parmi eux, l'équipe de Victor GYSEMBERGH, chargé de recherches sur la pensée antique au CNRS, s'intéresse particulièrement aux palimpsestes, ces manuscrits à double texte qui n'ont pas encore révélé tous leurs secrets.

Sur la couche supérieure du parchemin. On peut lire des oeuvres du Moyen Âge, mais sous ces lignes se cachent d'autres récits. Les textes dits inférieurs, écrits plusieurs siècles avant, ont été partiellement effacés puis recouverts pour économiser le parchemin.
Des écrits de l'Antiquité comme des tragédies d'Euripide ou des traités de philosophie platonicienne restent actuellement illisibles. Victor GYSEMBERGH et Christian FORSTEL, conservateurs chargés des fonds grecs à la BNF, ont sélectionné quelques-uns de ces manuscrits pour les numériser par imagerie et pouvoir enfin les étudier.

Victor GYSEMBERGH :
Il y avait différentes raisons de recycler un manuscrit, notamment des raisons économiques, parce que le parchemin coûtait cher. Parfois, on avait des livres en mauvais état et donc on sauvait les pages qu'on pouvait. On les mettait sur la pile de brouillons et on les réutilisait plus tard, au besoin. Dans la vingtaine de manuscrits que nous avons sélectionnés, il y en a qui sont très célèbres, très importants, et d'autres dont le contenu n'est pas identifié.

Commentaire voix-off :
Dans ce corpus. On trouve par exemple en grec, en latin ou en géorgien des témoignages du début du christianisme, dont une réécriture de la Bible parue en France au VIIᵉ siècle, mais aussi des traités sur le calendrier ou sur l'astrologie. Au XIXᵉ siècle, les études menées sur les palimpsestes avaient déjà permis des trouvailles bouleversantes. Mais l'imagerie numérique n'existait pas et les techniques chimiques de révélation utilisées à l'époque ont laissé des traces irréversibles.

Christian FORSTEL :
Là, on voit bien sur cette page le traitement qu'il a subi, qui donne cette coloration bleue. Ils ont badigeonné le parchemin et ça se voit en fait que c'est vraiment un liquide qui a été versé dessus. Tous ceux qui travaillent sur les palimpsestes, comme Victor, savent que dans les grandes bibliothèques européennes, les palimpsestes connus de longue date sont souvent très abîmés.

Commentaire voix-off :
Les manuscrits choisis ont donc été transportés jusqu'au site moderne de la BNF pour y être numérisés. Les chercheurs ont installé pour quatre semaines un dispositif d'imagerie multi spectral sur mesure, capable de révéler l'invisible. L'équipe internationale de l'ONG Early Manuscripts Electronic Library et spécialistes de cette technique font parler les manuscrits dans le monde entier. Ils ont fait le déplacement à Paris pour révéler les secrets de ce corpus de la BNF.

Damianos KASOTAKIS (interview en anglais)
Ce qu'on voit ici, c'est un système d'imagerie multi spectral. Il s'agit d'un appareil qui nous permet de prendre des photos numériques du même objet mais dans des longueurs d'onde différentes. On part de l'ultraviolet, on prend une photo. Plus on progresse dans le spectre visible, c'est-à-dire les couleurs que nos yeux peuvent voir et on continue jusqu'à l'infrarouge. On peut donc prendre chaque photo avec une couleur différente. Ça nous permet ensuite d'analyser des informations que nous ne pourrions pas voir à l'oeil nu.

Commentaire voix-off :
Manipuler avec une attention toute particulière, près de 500 pages vont ainsi être numérisées pendant cette campagne.

Damianos KASOTAKIS (interview en anglais) :
Dans le monde de la recherche, on dit souvent que l'ère de la découverte est révolue. Mais avec cette nouvelle technologie, nous sommes en mesure de voir des choses qui étaient juste devant nous, de les redécouvrir et de contribuer aux sciences humaines, à la culture et à notre patrimoine. C'est quelque chose de très excitant pour nous.

Commentaire voix-off :
Pour chaque page, une cinquantaine d'images différentes sont ainsi générées. De l'autre côté du mur, le reste de l'équipe reçoit la série d'images et cherche immédiatement le traitement qui permettra au mieux de lire les textes effacés. Sur son ordinateur, Keith Knox, conseiller scientifique en chef nous montre les résultats qu'il a déjà obtenus.

Keith KNOX (interview en anglais) :
Voilà un manuscrit qui a été effacé et un autre texte a été écrit par-dessus ; l'écriture du dessus et très visible, le contraste est très élevé. En dessous, par contre, l'écriture est très peu contrastée. Elle apparaît ici sous la forme de taches oranges ou brunes. Notre mission consiste donc à rendre ces taches très visibles. Nous utilisons de nombreuses techniques analytiques, pour essayer de séparer les informations à fort contraste de celles à faible contraste, et produire ainsi une image qui ressemble à ça, pour que les chercheurs puissent la voir et la lire.
Obtenir des images lisibles peut prendre quelques minutes ou plusieurs semaines. Chaque page réagit différemment au traitement numérique selon les techniques d'effacement et les encres utilisées à l'époque, selon l'agencement du texte ou encore selon l'usure des parchemins qui sont parfois attaqués par des bactéries. Les scientifiques de l'imagerie vont donc travailler sur chaque parchemin pour proposer la meilleure configuration de lecture aux chercheurs.

Commentaire voix-off :
Obtenir des images lisibles peut prendre quelques minutes ou plusieurs semaines. Chaque page réagit différemment au traitement numérique selon les techniques d'effacement et les encres utilisées à l'époque, selon l'agencement du texte ou encore selon l'usure des parchemins qui sont parfois attaqués par des bactéries. Les scientifiques de l'imagerie vont donc travailler sur chaque parchemin pour proposer la meilleure configuration de lecture aux chercheurs. Car il ne s'agit que d'une première étape : une fois les textes numérisés et rendus lisibles, les spécialistes des manuscrits vont les étudier pendant des mois, avant de statuer sur leur contenu. Chaque mot, chaque lettre vont être scrutés à la loupe. Victor GYSEMBERGH échange toutes les semaines avec des collègues philologues, historiens ou encore philosophes de plusieurs pays.

(Echanges peu intelligibles entre Victor GYSEMBERGH et un collègues)

Commentaire voix-off :
En déchiffrant ces lignes, les chercheurs veulent comprendre : où le manuscrit a voyagé, quelle pensée philosophique était valorisée au VIᵉ siècle, quel rite païen ont été répertoriés avant d'être oublié pendant des siècles ? Un des Graal pour les chercheurs serait de trouver la plus ancienne version d'un manuscrit, l'épreuve originale, qui a été copiée à la main par la suite. Il sera alors possible de repérer les fautes de copies et donc de proposer une nouvelle version plus proche de l'intention de l'auteur.

Victor GYSEMBERGH :
Dans une démarche de science ouverte, toutes les données et les données brutes de base aussi, seront accessibles à ceux qui en auront besoin. Il s'agit de volumes de données tellement énormes qu'on ne peut pas envisager une mise en ligne pure et simple, mais elles seront archivées à la bibliothèque et disponibles au besoin. Ensuite, la retombée du projet, c'est d'éditer les textes et donc de les rendre accessibles soit sous une forme imprimée, soit sous la forme d'édition électronique. Et puis, évidemment, il y aura des articles pour approfondir les aspects les plus intéressants et qui demandent le plus d'explications.

Commentaire voix-off :
Rien qu'en Europe, Victor GYSEMBERGH estime que des milliers de manuscrits resteraient ainsi à découvrir. En fouillant les archives des plus grandes bibliothèques mondiales. Les chercheurs espèrent révéler beaucoup d'autres secrets du passé, ce patrimoine culturel qui reste encore enfoui sous les ancres du Moyen Âge.

Réalisateur(s)

Juliette HARAU

Auteur(s)

Production

Référent(s) scientifique(s)

Délégation(s)

Thématiques scientifiques

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