© Sidney Emery / Fonds Lorius / CNRS Images
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Claude Lorius, mémoire de glace
Précurseur de la lutte contre le réchauffement climatique, explorateur infatigable des contrées les plus froides de notre planète, le glaciologue Claude Lorius a consacré toute sa vie à étudier la glace pour y lire notre histoire.
« Eurêka ! » Si, comme le veut la légende, c’est à la vue d’une pomme tombée d’un arbre que l’astronome anglais Isaac Newton eut l’intuition de ce qui allait devenir la théorie universelle de la gravitation, pour le glaciologue français Claude Lorius, la révélation eut lieu alors qu’il observait des bulles d’air s’échapper d’un glaçon vieux de 15 000 ans dans son verre de whisky.
C’est en 1955 que débute l’aventure de cet explorateur du climat en Antarctique. Alors jeune diplômé d’études supérieures de physique, il répond à une petite annonce : « Recherche jeunes chercheurs pour participer aux campagnes organisées pour l’Année géophysique internationale (AGI) ». Deux ans plus tard, il participe à un programme de recherche à la station Charcot implantée en Terre Adélie en Antarctique, un continent encore inconnu. Avec ses deux compagnons d’hivernage, il vit près d’un an d’isolement sous la glace, sans assistance, à la découverte des mystères de la calotte glaciaire.
Par cette anecdote du glaçon dans le verre de whisky, désormais connue dans l’histoire des sciences, Claude Lorius a l’intuition que les bulles d’air emprisonnées dans la glace sont le témoin fidèle de la composition de l’atmosphère du passé. Et si la glace et la neige pouvaient contenir un signal climatique ? Plus le forage serait profond, plus il serait possible de remonter l’histoire du climat à travers les siècles, voire les millénaires.
À l’époque, Claude Lorius est ce qu’on appellerait aujourd’hui un « lanceur d’alerte ». Il est l’un des premiers à dresser le constat du changement climatique et alerter sur l’impact du comportement de l’être humain sur son environnement. Quelque vingt années après son intuition, l’analyse des carottes de glace de la mythique station soviétique de Vostok (au cœur de l’Antarctique) apporte enfin la preuve scientifique du réchauffement climatique en faisant le lien entre les variations du climat et la teneur de l’atmosphère en gaz à effet de serre.
En 1987, Claude Lorius publie trois articles dans la revue Nature au retentissement scientifique mondial. En démontrant la corrélation entre la concentration de gaz carbonique (tels que le CO2 et le méthane) et l’élévation moyenne des températures, il s’impose comme le premier scientifique à mettre en évidence la responsabilité humaine dans le réchauffement climatique.
Véritable passionné, chercheur humble et déterminé à transmettre ses découvertes scientifiques et œuvrer au service de grandes causes environnementales, Claude Lorius totalise en 40 ans de carrière 22 expéditions, ce qui représente six ans de campagnes sur le terrain !
Lauréat de la médaille d’or du CNRS en 2002 et membre de l’Académie des sciences, Claude Lorius a créé le Laboratoire de glaciologie et de géophysique de l’environnement à Grenoble.
Auteur et co-auteur de plusieurs ouvrages tels que Les Glaces de l’Antarctique : une mémoire, des passions (éd. Odile Jacob, 1991), le réalisateur Luc Jacquet lui rend hommage en retraçant sa vie à travers un magnifique documentaire La glace et le ciel projeté pour la première fois en clôture du festival de Cannes 2015. Découvrez ici, grâce à nos archives, l’œuvre originale et passionnante de ce scientifique hors-normes.
Article CNRS Le Journal
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