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Sport dopé par la science (Le) ? - Va Savoir #07
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Va savoirAlors que les JO de Paris approchent à grands pas, tous les athlètes s'entraînent pour grappiller encore quelques millimètres ou quelques centièmes de seconde. C'est là que la science peut entrer en jeu : analyses ultra-poussées, équipements de pointe ou environnements en réalité virtuelle, ce nouvel épisode de VaSavoir vous emmène à l'Institut des sciences du mouvement, à Marseille, où les chercheurs tentent d'améliorer les performances des plus grands athlètes... comme des sportifs du dimanche !
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Transcription
Maxime Labat :
Aujourd'hui, nous nous intéressons à un sujet pour lequel je ne suis vraiment pas doué : le sport. Même si ça ne se voit pas particulièrement chez moi, l'être humain a été « designé » par l'évolution pour être un mammifère coureur.
J'ai un point de côté, je suis vraiment dans une condition physique de merde…
Viens d'ailleurs se poser la question du don. Car si, bien sûr, certains semblent avoir des prédispositions, tous les vrais sportifs vous diront que c'est avant tout une question d'entraînement et de persévérance. Et pour les sportifs de haut niveau qui ont su à la fois exploiter leur don, et avoir le meilleur mental, et recevoir le meilleur entraînement, là, la performance se joue vraiment à des détails. Et de plus en plus, ces détails, c'est la science.
Car le sport moderne revêt aujourd'hui des problématiques de techniques et de technologies de pointe. L'occasion de faire dialoguer plein de disciplines scientifiques différentes, surtout à quelques mois des J.O. Je suis donc aujourd'hui de retour à Marseille pour aller à la rencontre des chercheurs de l'Institut des Sciences du Mouvement qui travaillent autant sur des problèmes concrets que sur des questions très fondamentales.
Direction le techno-sport, une plateforme un peu particulière où je rejoints Guillaume Raoux, l'un des chercheurs de l'institut. Alors ici, on est au techno-sports, il y a beaucoup de sports différents que vous pouvez étudier ici dans cette plateforme ?
Guillaume Raoux :
Dans cette plateforme, en fait, on s'intéresse aux mouvements au sens large, avec une préférence pour tout ce qui est mouvement sportif, avec à la fois une orientation « performance » et une orientation « prévention des blessures » ou retour à l'activité après une blessure. Le corps humain, et encore plus le corps humain en situation sportive, c'est hyper complexe comme question. Donc en fait, on a une approche qui est pluridisciplinaire.
Martine Pithioux :
L'application sportive est vraiment intéressante parce que les personnes, qui font du sport, se sont posé beaucoup de questions sur comment optimiser leur activité, comment éviter un traumatisme et donc ces applications-là nous permettent vraiment d'aller répondre à de nombreuses questions.
Maxime Labat :
Et aussi beaucoup de technologies qui sont appliquées pour réussir à le capter ce mouvement, à le comprendre, à le modéliser.
Martine Pithioux :
Oui, on est plutôt spécialisé dans tout ce qui est caractérisation des matériaux, tout ce qui est impression 3D, qui est beaucoup utilisé justement pour personnaliser des systèmes. Et on a également une expertise dans le domaine de la réalité virtuelle et donc on met tout ça en commun et ça permet d'avoir une vision complète. C'est pour ça qu'on parle nous au laboratoire de cette analyse du système en mouvement.
Maxime Labat :
La locomotion humaine, elle parait simple, parce que, bah, on est tout droit, ça paraît une position hyper évidente et hyper simple. Mais quand on regarde bien, elle est hyper rare dans le monde des mammifères. Elle est complexe, du coup, c'est le fruit d'une évolution très, très complexe.
Guillaume Raoux :
Oui, alors notre anatomie, notre structure musculo-tendineuse, musculosquelettique, elle a évolué pour être capable de se déplacer debout à, de manière la plus efficace possible. Mais on a aussi tout ce qui est système de commande. Alors en gros, un bébé qui vient de naître quand on le prend et qu'on le soulève en le soutenant sous les aisselles, il y a un réflexe de stepping où dès le début à la construction, y a déjà la commande qui permet d'engager la marche ou de représenter l'embryon de la marche qui est présent et donc la locomotion, la marche, c'est une partie de cette activité. Et effectivement, moi ce qui m'intéresse un peu plus au niveau personnel, en termes de recherche, c'est la partie course, et en particulier comment est-ce que le coureur va venir s'adapter à la chaussure en fonction des différents types de course, en fonction des différentes, par exemple l'inclinaison de sol pour essayer d'être le plus efficace possible.
Maxime Labat :
Je voudrais qu'on s'arrête deux secondes sur cet organe étrange : le pied. Parce que quand on pense aux organes un peu spécifiques de l'être humain, on pense souvent à la main ou au cerveau, mais peu au pied. Pourtant, c'est lui qui, en permettant la station debout, a d'abord libéré nos mains et, en repositionnant notre colonne vertébrale, a permis l'élaboration de ce gros cerveau grâce auquel vous m'écoutez en ce moment. Le pied compte quand même 26 os, ce qui fait qu'avec vos deux pieds, c'est le quart des os de votre corps qui se trouve-là. Et je ne vous parle pas du bazar, de tendons et de muscles qu'il y a là-dedans. Votre pied est aussi robuste que votre main est agile. La modélisation et la compréhension biomécanique du pied pendant la course est un véritable défi pour la recherche contemporaine. Alors là, du coup, qu'est-ce que tu regardes par exemple ?
Guillaume Raoux :
Donc là, tu vois, on a posé les capteurs réfléchissants sur Noa et en fait, avec toutes les caméras qu'on a, qu'on a autour, donc là, on en a une vingtaine, ça nous permet de connaître très précisément la position du marqueur, plusieurs centaines de fois par seconde. Et puis des petits capteurs EMG aussi pour avoir les activités musculaires, en fait, ça va venir mesurer le, l'activité électrique des muscles.
Maxime Labat :
OK, ça capte le système nerveux quoi ?
Guillaume Raoux :
Ouais, c'est ça exactement : la commande qui est reçue par le muscle et qui vient du système nerveux. Et ce qui nous intéresse, c'est de voir comment le geste de course est réalisé. Si on se centre sur le sur le pied, Noa il a une manière de courir où par exemple, il va très peu poser le talon au sol. C'est un type de course qui est présent parmi l'ensemble des coureurs et qui sollicite beaucoup tout ce qu'on appelle la chaîne postérieure, donc ça veut dire les mollets, les ischio-jambiers et tout ça.
Maxime Labat :
Oui, les murs du mollet, ils sont principalement reliés aux pieds ?
Guillaume Raoux :
Oui, directement, ils sont reliés par le tendon d'Achille, donc le mollet, donc c'est trois muscles : les deux, les deux jumeaux, les deux gastrocnémiens, un médial et latéral, et puis dessous, le soléaire qui est un muscle qui est hyper puissant. Et ces trois muscles-là, quand ils se contractent, ils viennent tirer sur le tendon d'Achille. À cette allure-là, il doit y avoir à peu près une tonne qui passe dans le tendon d'Achille à chaque foulée. Et ce tendon d'Achille vient tirer sur le calcanéum qui est l'os du talon, et en fait, en faisant ça, il fait se lever le pied.
Maxime Labat :
Du coup, je peux essayer ?
Guillaume Raoux :
Allez, c'est parti.
Maxime Labat :
Comme ça tu pourras me dire pourquoi je cours mal.
Guillaume Raoux :
Ce qu'on va faire, c'est qu'on va commencer à trois kilomètres heure. Tu vas marcher et ça va bien se passer.
Maxime Labat :
Si vous voulez accélérer, c'est maintenant, parce que je ne vais pas tenir longtemps.
Guillaume Raoux :
Ouais donc là t'es à dix kilomètres heure, par rapport à Noa tout à l'heure, qui a attaqué vraiment sur l'avant du pied, toi, quand tu poses ton pied au sol, tu es vraiment sur le talon. C'est vraiment le style de course qui est, qui est différent et on voit en termes de mouvement : tu vois, tu t'es beaucoup plus sur du rebond et c'est beaucoup plus penché en avant comme pour essayer de te rattraper toi-même en fait. Ton corps, il essaye de s'organiser pour courir vite. Tu vois, il fait des grands pas, il fait des pas plus grands. Ça commence à taper un peu plus. En termes de sons, on l'entend vachement. On voit que tu galères. Tout vient de la chaussure.
Maxime Labat :
On va dire que c'est ça. On va dire que c'est… C'est quelque chose que vous étudiez la relation entre les chaussures et le pied ?
Guillaume Raoux :
Oui, complètement. Moi, ce qui m'intéresse, c'est l'interaction entre l'homme et le matériel. L'idée, c'est pas d'adapter l'homme au matériel, mais c'est justement de faire l'inverse et d'être capable d'adapter le matériel à l'homme. Pour ça, en fait, il faut qu'on comprenne très bien les interactions entre l'un et l'autre, et en particulier sur un temps très court quand on met une nouvelle paire de chaussures, qu'est ce qui se passe au niveau de la locomotion ? Comment est-ce que le geste est modifié ? Est ce qu'on va poser notre pied plus avec le talon, plus à plat ? Qu'est-ce que ça va impliquer en termes d'effort au niveau de la cheville, au niveau des muscles du mollet par exemple, ou au niveau du genou ? Ça, c'est à très court terme. Et puis, sur le moyen/long terme, comment est-ce que ces modifications-là, elles vont engendrer des changements en termes de contraintes mécaniques, donc d'effort sur les structures, potentiellement des risques de blessures ou au contraire une augmentation de performances ?
Maxime Labat :
Je peux essayer le golf.
Guillaume Raoux :
Aller !
Maxime Labat :
C'est très jouissif. Déjà j'ai tapé dans la balle. Et là, y a vraiment une recherche pour les pour les gens qui font du golf, d'avoir le mouvement parfait, de réussir vraiment avec tout le ressort, l'anatomie du corps et tout ça, de pouvoir optimiser le geste ?
Guillaume Raoux :
Le mouvement parfait général, il n'existe pas. En fait, c'est le mouvement parfait pour chacun des individus. Et c'est là où ça commence à devenir intéressant, c'est que il faut trouver la manière de faire évoluer le geste de chacun des individus.
Maxime Labat :
Et la réalité virtuelle dans le sport, c'est quelque chose que vous utilisez aussi ?
Guillaume Raoux :
Oui, oui, bien sûr.
Maxime Labat :
Guillaume m'a renvoyé vers l'un de ses collègues, Gilles Montagne, qui a une approche totalement différente. Alors, toi, tu travailles sur un sujet un peu connexe de celui de la biomécanique. Tu t'intéresses plutôt au cerveau finalement dans le mouvement ?
Gilles Montagne :
Mon domaine en fait de compétence sont les neurosciences comportementales. Je m'intéresse au comportement de l'individu et j'essaie de comprendre, en fait, quelles sont les informations qui sont prises en compte pour produire un déplacement approprié par exemple dans l'environnement. Donc quelle est la coopération que la personne peut entretenir entre des versants perceptifs et moteurs ?
Maxime Labat :
Donc, qu'est ce qu'il perçoit de son environnement et quelles actions il décide de faire ?
Gilles Montagne :
Absolument.
Maxime Labat :
Et là, t'as un projet spécifique en cours qui est lié aux Jeux Olympiques ?
Gilles Montagne :
Oui, il s'agit de, du projet REVEA. Donc c'est un projet qui vise précisément à mettre les outils de réalité virtuelle au service de l'optimisation de la performance sportive.
Maxime Labat :
Et alors, tu bosses sur quel sport-là ?
Gilles Montagne :
On accompagne l'équipe de France d'athlétisme et plus précisément l'équipe de France de relais quatre fois 100, l'équipe de France masculine et l'équipe de France féminine, également de relais quatre fois 100.
Maxime Labat :
OK. Et sur quel bout de leur entraînement vous les accompagner ?
Gilles Montagne :
Alors nous, on s'intéresse à un point très précis. Alors c'est une commande de la part des entraîneurs qui considèrent que le passage de relais est essentiel parce que s'il est mal effectué, il peut totalement disqualifier l'équipe. Ce qui nous intéresse, c'est la capacité donc du receveur, de celui qui va prendre le relais, d'initier sa course au bon moment.
Maxime Labat :
OK et ça ils ne peuvent pas s'entraîner tranquille dans un stade ?
Gilles Montagne :
Alors ça, ils ont peu l'occasion de le faire pendant leur entraînement parce qu'il faut savoir que c'est une tâche très énergivore. Donc l'idée de la réalité virtuelle, c'est de remplacer le partenaire par un jumeau numérique du partenaire.
Maxime Labat :
Ah oui, tu veux dire que ce qui est énergivore c'est quand l'autre arrive pour passer le témoin. Donc pour que celui qui va recevoir le relais puisse s'entraîner, il est obligé de fatiguer l'autre. Et puis le risque de blessure aussi, qui est…
Gilles Montagne :
Un risque de blessure qui est très conséquent parce que un entrainement approprié, c'est un entrainement lors duquel le partenaire arrive à pleine vitesse. Or, ces athlètes de très haut niveau sont relativement fragiles et en répétant trop souvent ce type de tâches, ils peuvent se blesser facilement.
Maxime Labat :
Du coup, pour le tester, t'as fait venir quelqu'un ?
Gilles Montagne :
Oui, j'ai fait venir Héloïse, qui est membre du collectif de l'équipe de France de relais et qui a déjà testé cette solution lors des rassemblements de l'équipe de France cette année.
Maxime Labat :
Bah merci beaucoup. Bon bah tu me montres.
Héloïse :
Allez.
Maxime Labat :
Allez. Donc là, il n'y a pas que la vision que vous proposez aux athlètes. Il y a aussi les pieds, la ceinture, sans le son ?
Gilles Montagne :
Oui, absolument. Donc l'athlète est placé dans une réplique virtuelle du Stade de France, en présence potentiellement de partenaires et d'adversaires. Et puis, comme tu l'as indiqué, effectivement, il y a des marqueurs, des trackers qui sont placés au niveau des pieds mais également au niveau de la hanche, de manière à pouvoir enregistrer en temps réel un certain nombre de paramètres qui vont nous permettre de calculer la précision au niveau de la prise de décision, mais également de caractériser les déplacements du corps, les mouvements préparatoires qui précèdent l'initiation de la course.
Maxime Labat :
OK. Et donc toi ce qui t'intéresse, c'est de réussir à analyser, les accompagner, pour optimiser cette prise de décision-là, entre l'oeil et la jambe, quoi ?
Gilles Montagne :
Absolument. Et on est en capacité, grâce aux marqueurs, d'enregistrer le moment précis de la prise de décision, enfin du départ effectif de l'athlète, et donc on peut caractériser à la milliseconde près, l'erreur de timing produite, au moment du départ.
Maxime Labat :
Les JO 2024 arrivent à grands pas et je voudrais souhaiter bonne chance à tous les athlètes du monde entier qui s'entraînent depuis des années pour ce moment, avec leurs entraîneurs et certains leurs chercheurs. Alors bien-sûr, on pourrait se demander, comme c'est déjà le cas dans certaines disciplines, si toutes ces améliorations techniques du matériel et cette débauche technologique pendant les phases d'entraînement ne dénaturent pas un petit peu l'esprit voulu par Pierre de Coubertin.
Certes, mais si ça peut permettre à ces artistes du mouvement de se rapprocher un petit peu plus du geste parfait en évitant la blessure, cette bête noire des athlètes de haut niveau qui peuvent perdre en une seconde dix ans de travail. Moi, je dis que la science est au bon endroit. Et pour 99 % des athlètes du dimanche comme vous et moi, eh ben, on pourra profiter un petit peu de ces innovations technologiques dans nos pompes à 30 balles. Et bah c'est bien. Après, est-ce que cet éloge du sport que je suis en train de faire va m'aider à moi m'y remettre…. Va savoir !