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7400
Bloc d'Alcazar en lumière (Le)
À première vue, peu de choses affleurent à la surface de ce bloc de construction de deux mètres de long pesant une demie tonne. Le bloc de l'Alcazar, découvert à Marseille et conservé au Musée d'Histoire de la ville, est pourtant une curiosité sans équivalent.
Eclairé sous une nouvelle lumière, c'est une partie de l'histoire de la Méditerranée d'il y a 2600 ans qu'il raconte alors… Il fait apparaitre des centaines de graffiti antiques superposés, de lettres, de silhouettes humaines et animales, ainsi que des navires de guerre grecs encore jamais représentés. Une relecture de l'histoire rendue possible par les progrès de la technologie du RTI -Reflectance Transformation Imaging- laquelle permet de capturer la couleur et les propriétés optiques de la surface d'un objet et de le ré-éclairer dynamiquement et interactivement. On peut ainsi déceler dans l'image reconstituée les plus infimes détails, invisibles à l'oeil nu. Eloi Gattet, fondateur de la start-up Mercurio, a conçu pour ce projet un scanner RTI sur mesure complété par d'un outil d'annotation collaboratif permettant les échanges entre les experts du monde entier pour étudier la signification des dessins présents sur le bloc.
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Transcription
Commentaire – Voix off
Ces réserves archéologiques renferment bien des trésors. Ici se cachent des secrets invisibles pour l'oeil non averti. C'est le cas du bloc de l'Alcazar. Une pierre de deux mètres de long, pour une demi-tonne sur la balance. Si on l'éclaire sous une nouvelle lumière, elle révèle à sa surface de nombreux dessins, des vestiges mystérieux qui datent de 2600 ans… C'est l'archéologue Marc Bouiron qui a découvert ce bloc.
ITW Marc Bouiron :
Le bloc de l'Alcazar a été découvert dans le cadre de la fouille qui a précédé la construction de la bibliothèque municipale de Marseille. La fouille de l'Alcazar a été une très grande fouille. 4200 m² d'un seul tenant, c'est une des plus grandes fouilles réalisées à Marseille. Elle a duré plus d'une année, entre 1999 et 2000. Les fouilles ont révélé un certain nombre de vestiges archéologiques, et en particulier ces blocs, qui correspondent semble-t-il à un monument grec, qui aurait été démonté durant l'Antiquité.
Commentaire – Voix off
Une inspection plus poussée va apporter un nouvel éclairage sur ce bloc.
C'est alors un document historique majeur qui s'offre sous nos yeux pour la compréhension de l'histoire de Marseille. Le bloc de l'Alcazar présente la particularité d'être recouvert de centaines de graffiti antiques superposés, de lettres, de silhouettes humaines et animales, ainsi que de navires de guerre grecs jamais auparavant représentés.
ITW Marc Bouiron :
Ce bloc représente deux bateaux phocéens, ce qu'on appelle des pentécontères, qui sont donc les bateaux classiques des Phocéens. Les Phocéens sont parmi les Grecs d'Asie Mineure, ceux qui ont exploré l'Extrême-Occident. Et peut-être s'agit-il en fait de la représentation de ce 2ème afflux des Phocéens après la prise de la ville par les Perses vers 540 avant notre ère.
Commentaire – Voix off
Les spécialistes comme Xavier Corré s'étonnent que ce bloc ait été jeté dans une fosse, alors que la matière première comme la pierre était très recherchée et normalement toujours réutilisée.
ITW Xavier Corré :
La ville de Marseille est une ville qui s'est sans cesse reconstruite sur elle-même. Il est extrêmement étonnant dans ce contexte-là qu'on retrouve autant de pierres de taille qui soient jetées, qui soient enfouies, au lieu d'être réutilisées. Une des hypothèses de travail serait qu'il y ait une « Damnatio memoriae » qui soit relative à l'édifice que composait ces blocs. La « Damnatio memoriae » c'est le fait de vouloir effacer la mémoire de quelque chose, la mémoire d'un événement, la mémoire d'une personne.
Commentaire – Voix off
La quantité et la complexité des inscriptions sur le bloc empêchent initialement les spécialistes d'en retirer toutes les informations.
ITW Xavier Corré :
Beaucoup nous en ont un petit peu dissuadé en nous disant que tant qu'on n'aurait pas un nouvel outil qui permettrait de déchiffrer ce bloc, ça serait un peu peine perdue. Et en 2017 j'ai eu l'occasion de rencontrer Eloi Gattet lors d'un séminaire scientifique où il avait été évoqué l'idée de la technologie du RTI.
Commentaire – Voix off
Le RTI signifie « Imagerie par Transformation de Réflectance ». C'est une technologie qui permet de capturer la couleur et les propriétés optiques de la surface d'un objet et de le ré-éclairer avec des outils informatiques. On peut ainsi déceler dans l'image les plus petits détails, invisibles à l'oeil nu. Eloi Gattet, fondateur de la start-up Mercurio, a participé à l'aventure du déchiffrage. Il a conçu un scanner RTI sur mesure.
ITW Eloi Gattet, PDG de Mercurio :
Ce dispositif d'acquisition RTI se présente sous la forme d'un dôme muni d'un appareil photo et de plusieurs dizaines de sources lumineuses, près d'une centaine. Pour chaque source lumineuse, on va prendre une photo différente, et ensuite on va recombiner ensemble l'intégralité de ces photos pour créer une image sur laquelle on va pouvoir interactivement et dynamiquement faire varier la lumière comme si on avait une lampe de poche dans la main.
Commentaire – Voix off
La technologie RTI présentait cependant une limite, celle de ne pas pouvoir numériser des objets plus grands que le dôme lui-même. L'ingénieur a alors fabriqué un nouveau dôme de numérisation RTI et un chariot. Grâce à cela, il a pu prendre 12 000 photos sur l'intégralité de la surface du bloc. Il a fallu ensuite fusionner toutes ces données en utilisant la photogrammétrie qui permet de créer un modèle 3D à partir de photos.
ITW Eloi Gattet :
Ici, on voit le souci de la mosaïque où chaque tuile apparaît individuellement, sous une forme de coussinets. Si je zoome encore plus, on se rend compte que les images sont bien alignées, il y a une continuité de la surface, mais pas une continuité de la lumière.
Pour résoudre ce problème, j'ai fait appel à Federico Ponchio, qui est un chercheur italien au CNR de Pise et qui développe des algorithmes de traitement RTI. Grâce à lui, nous avons pu résoudre ce problème de formes de coussinets et on a pu homogénéiser les différents RTI les uns par rapport aux autres pour avoir une seule image de près de 600 millions de pixels.
Commentaire – Voix off
Puis, grâce à l'image obtenue, on peut commencer à y décrypter des formes, des dessins.
ITW Eloi Gattet :
De ce bloc, les experts ont pu tirer énormément d'annotations. Un bateau, encore un autre, une tête, une autre, même des lettres, gravées dans la pierre.
Commentaire – Voix off
Grâce à un outil d'annotation, les spécialistes du monde entier peuvent étudier ce bloc. Tout leur travail est compilé et intégré pour offrir un récit interactif.
ITW Marc Bouiron :
L'analyse du bloc, évidemment facilitée par les outils de représentation informatiques, ça c'est quelque chose d'absolument extraordinaire, parce que ça permet du coup de manière collective finalement partagée de pouvoir chacun inscrire finalement un tracé que l'on va repérer, et puis ainsi de suite de pouvoir déterminer des ensembles de traits qui peuvent constituer des dessins, voir des mots, des lettres, etc. Je pense que dans l'avenir ça fera partie en tout cas des outils des chercheurs.
Commentaire – Voix off
Les spécialistes envisagent également l'utilisation de l'intelligence artificielle pour les aider à repérer plus efficacement les dessins.
ITW Xavier Corré :
Avec l'outil d'annotation aussi du RTI, qui est disponible sur internet, des chercheurs vont pouvoir interagir depuis partout dans le monde, à n'importe quelle heure du jour et de la nuit. Et les échanges vont pouvoir se faire et je pense qu'une vraie communauté scientifique autour de ce bloc va bientôt naître.
Commentaire – Voix off
Et même pour le grand public, puisque cette interface interactive est accessible à tous. De quoi permettre au plus grand nombre de voir à travers les yeux des experts.
Grâce à ces nouvelles technologies, les révélations ne semblent pas prêtes de s'arrêter…
ITW Marc Bouiron :
La grande découverte c'est de se dire qu'il y a d'autres blocs qui permettent d'appréhender différemment à la fois le monument et puis cette figuration. Ce ne sont pas deux bateaux seulement de la période grecque, mais certainement tout un paysage qui est représenté, donc peut-être cette arrivée des Phocéens qui fuient Phocée prises par les Perses. Et là on va avoir quelque chose d'extraordinaire. Mais là avoir ce type de découverte, c'est carrément unique au niveau méditerranéen. C'est donc une enquête qui ne fait que commencer.
Commentaire – Voix off
Cette technologie d'imagerie dynamique va désormais pouvoir être appliquée sur de nombreux domaines minutieux comme la restauration d'objets d'art ou encore la joaillerie. Bientôt, de nombreux autres secrets seront révélés. Et la lumière fut…